20 novembre 1997
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1278-3366
https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Isabelle Couzon, « La place de la ville dans le discours des aménageurs du début des années 1920 à la fin des années 1960 », Cybergeo : revue européenne de géographie / European journal of geography, ID : 10.4000/cybergeo.1979
L'étude de la politique d'aménagement du territoire en France conduit à dégager deux axes de réflexion dans l'histoire de son émergence et de ses transformations. Dans le contexte de la reconstruction des villes en 1945, les administrateurs du Ministère de la reconstruction et de l'urbanisme (M.R.U) conçoivent "l'aménagement du territoire" comme un objectif relevant des méthodes de l'urbanisme : l'établissement des projets d'aménagement des communes sinistrées ou non, à l'échelle du pays tout entier. Cette constatation amène à s'interroger sur les périodes de l'entre-deux-guerres et de l'Occupation. L'étude interne de la Délégation Générale à l'Equipement National (D.G.E.N), organisme administratif créé par le gouvernement de Vichy en 1941, révèle l'intensité des réflexions menées de 1941 à 1944 au sein de cette institution autour des thèmes de la "décentralisation industrielle" et de la "décongestion des centres urbains" et la poursuite de ces travaux dans les institutions administratives issues de la scission de la D.G.E.N à la Libération, notamment au M.R.U. L'étude de la période de l'entre-deux-guerres permet d'esquisser la carte des milieux où s'élabore une pensée de l'aménagement des villes, élargi au territoire : l'action du Comité supérieur pour l'aménagement et l'organisation de la région parisienne (C.S.A.O.R.P) souligne l'apparition du thème de la "décentralisation industrielle", envisagée d'abord comme la solution au problème des "lotissements défectueux" puis comme une réponse stratégique aux menaces de bombardements aériens. L'étude interne du M.R.U entre 1944 et 1950 et la reconstitution des carrières des fonctionnaires présents dans les différentes directions démontrent surtout la stabilité remarquable de ce groupe d'aménageurs entre les années 1920 et 1950, du point de vue des responsabilités exercées dans les institutions en charge des questions d'aménagement. Simultanément, l'étude de ce groupe révèle l'existence d'autres milieux de réflexion qui, par leur collaboration occasionnelle avec ces fonctionnaires, participent directement à leurs travaux ou les influencent fortement. L'étude de ces milieux "savants", composés essentiellement de géographes et d'économistes, conduit à accorder une attention particulière aux débats soulevés autour de la question de l'aménagement de Paris et de la région parisienne. L'action administrative et intellectuelle de Jean-François Gravier déclenche la (re)naissance d'un discours politique dirigé contre la capitale. La promotion du modèle de la "métropole régionale" et le lien établi par le service de l'aménagement de la région parisienne (S.A.R.P) du M.R.U entre l'aménagement de la capitale et les enjeux nationaux représentés par l'aménagement du territoire (1947) favorisent le lancement d'un vaste programme de rénovation urbaine où la question du logement joue un rôle décisif. Au cours des années 1960, l'aménagement de la région parisienne entraîne la mise à l'écart des urbanistes professionnels au profit des ingénieurs des Ponts et Chaussées dans la gestion des questions d'urbanisme.