31 août 2022
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Fabrice Micallef, « Comment la bonne Ligue sauva la monarchie. 1593 selon Nicolas Lefèvre de Lezeau », Les Dossiers du Grihl, ID : 10.4000/dossiersgrihl.4708
Le chapitre III de la Vie de Marillac par Lefèvre de Lezeau est consacré au passé ligueur du garde des sceaux. Justifier l’appartenance au parti catholique n’est pas une chose facile dans la France du milieu du xviie qui considère majoritairement les ligueurs comme des fanatiques violents ou comme des hypocrites, vendus aux puissances étrangères, notamment l’Espagne. La réhabilitation menée par l’auteur consiste à dire que Marillac faisait partie d’une « bonne ligue », représentée notamment au parlement de Paris. C’est cette bonne ligue parlementaire qui en juin 1593, sous l’impulsion de Marillac, aurait sauvé la monarchie en promulguant le célèbre arrêt Lemaître, cassant toutes les décisions que les états généraux étaient susceptibles de prendre pour transmettre la couronne de France à un prince étranger. Nous avons choisi d’étudier cette source en posant trois questions.1) Les événements rapportés par l’auteur sont-ils crédibles ? Ces faits semblent exacts dans l’ensemble. Mais le point central de la démonstration, à savoir le rôle essentiel de Marillac, n’est à ce jour étayé par aucune autre source. 2) Que nous apprend ce document sur les pratiques d’historien de Lefèvre de Lezeau ? Plusieurs indices nous laissent penser que ce texte pourrait être à l’origine autonome, et aurait été tardivement inséré par l’auteur dans sa Vie de Marillac.3) Quelle est la stratégie d’écriture de l’auteur ? La réhabilitation de la bonne Ligue est rendue acceptable car elle se fait au miroir du parti royaliste : comme le royaliste, le bon ligueur est modéré, courageux, il a le sens de l’état, et c’est un « bon français », gallican et opposé aux ambitions espagnoles. Mais derrière ces éléments consensuels, l’auteur ne remet pas en cause la légitimité de la Ligue ; il en fait même le premier instrument de la Providence pour pacifier la France. Subrepticement, Lezeau bat en brèche les fondements de l’historiographie bourbonienne ; ce faisant, il offre au lectorat dévot l’occasion de considérer l’épisode ligueur non plus comme un échec, mais comme une victoire spirituelle et politique.