4 décembre 2014
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Marguerite Boutelet, « Polices de l’eau et ordre public écologique, valeurs exprimées, valeurs protégées », Droit et Cultures, ID : 10.4000/droitcultures.3448
Il faut du temps pour qu’une idée devienne une valeur. C’est particulièrement le cas de la nécessité de protéger la biodiversité. Les entretiens conduits en 2007 à l’occasion de la recherche sur le suivi judiciaire et administratif des infractions aux arrêtés préfectoraux de limitation des usages de l’eau en Côte d’Or ont permis d’entendre le point de vue des personnes verbalisées et poursuivies et celui des personnes chargées de la répression des infractions. Le postulat de cette étude est que la sanction pénale et son application effective sont un révélateur de la valeur reconnue par la société aux intérêts mis en péril par l’acte incriminé pénalement. En reprenant ces entretiens, et en retournant interroger certains acteurs clefs de la répression des infractions en matière d’environnement, il apparaît clairement que, dans les rares cas où elle est prononcée, la sanction pénale n’est pas comprise, pas plus par les contrevenants que par les auteurs des poursuites. Pour ne pas heurter de front les intérêts des différents publics concernés, maires, industriels, agriculteurs irrigants, propriétaires de golf et particuliers, les arrêtés de limitations des usages de l’eau ne sont plus pris uniformément pour tout un département, comme ils l’étaient au début, mais ont été négociés, divisés et subdivisés sur le terrain ; différents selon les heures de la journée et assortis de nombreuses dérogations. Ils ont perdu toute lisibilité. Pour l’administration, la sanction est un argument de marchandage pour obtenir – peut être – la remise en l’état du site. Le procureur se sent manipulé quand tous les gros consommateurs d’eau obtiennent des dérogations. Seules les associations se soucient de la nature. Faute de moyens financiers et humains, elles utilisent peu leur action civile à l’exception notable des associations de pêche. La protection de la biodiversité ne pourra pas être une valeur partagée par le public tant qu’elle ne fera pas l’objet d’une protection générale et absolue de la part des autorités.