Pharmaceuticalisation et fin de vie. La sédation profonde comme nouvelle norme du « bien mourir »

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29 juin 2018

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Céline Lafontaine et al., « Pharmaceuticalisation et fin de vie. La sédation profonde comme nouvelle norme du « bien mourir » », Droit et Cultures, ID : 10.4000/droitcultures.4368


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Résumé Fr En

Les soins palliatifs et l’accompagnement des mourants s’inscrivent dans le mouvement plus large d’individualisation de la mort. Centrée sur la notion d’autonomie, la mort idéale se veut aujourd’hui discrète, inconsciente et hygiénique. Impensable sans une importante expertise médicale qui permet de soulager la douleur physique, de contrôler chimiquement l’angoisse et la peur, de neutraliser les odeurs et les traces de l’agonie, cet idéal suppose une tension constante entre contrôle et dépendance. Emblématique de ce que le sociologue Nikolas Rose nomme la biocitoyenneté, soit une forme de citoyenneté centrée sur une politisation de la santé individuelle et sur l’émergence de revendications identitaires reliées à des questions d’ordre biomédical, le mouvement en faveur des soins palliatifs s’inscrit en fait dans le processus global de pharmaceuticalisation caractérisant les sociétés occidentales contemporaines. Partant d’un questionnement sociologique sur l’usage croissant de la sédation profonde dans la gestion biomédicale de la fin de vie, cet article propose d’analyser le phénomène du contrôle médicamenteux de la souffrance sous l’angle de la pharmaceuticalisation. Au-delà de la thèse du déni de la mort et du refus de la douleur, il s’agira plutôt de comprendre que la sédation profonde est indissociable d’une volonté de contrôle et d’optimisation de soi propre à la biocitoyenneté. Loin d’un simple refus de la douleur, la norme de la sédation profonde indique plutôt que la douleur « improductive », c’est-à-dire celle qui ne s’inscrit pas dans une logique thérapeutique, méliorative ou expérimentale, tant à devenir socialement intolérable. La sédation profonde apparaît ainsi à la fois comme la limite et l’expression ultime de la biocitoyenneté.

The field of palliative care and serving the dying reflects the broader individualization of death. Focused on the notion of autonomy, the ideal death is now defined as discrete, unsconscious and hygienic. Based on a significant medical expertise which allows to alleviate physical pain, to chemically control anguish and fear, to neutralize odours and marks of agony, this ideal involves an ongoing tension between control and dependance. Emblematic of what sociologists Nikolas Rose refers as biocitizenship, that is a form of citizenship focused around the politicisation of individual health and the emergence of identity-based claims bound to biomedical issues, the hospice palliative care movement is embedded in the global process of pharmaceuticalization that characterises contemporary western societies. Starting from a sociological questionning on the increasing use of continuous deep sedation in the biomedical management of the end of life, this article analyses the phenomenon of pharmaceutical control of suffering from the theoretical perspective of pharmaceuticalization. Beyond the death denial and pain refusal thesis, the article shows that deep sedation is indissociable from a will of control and self-enhancement that is symptomatic of biocitizenship. Far from a simple refusal of pain, the norm of deep sedation rather indicates that « unproductive » pain – that is pain that is not part of therapeutic, enhancement or experimental rationales – tends to become socially intolerable. In this way, deep sedation both appears as the limit and the ultimate expression of biocitizenship.

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