Les mots du genre

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1 mars 2022

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Frédérique Aït-Touati et al., « Les mots du genre », Écrire l’histoire, ID : 10.4000/elh.2166


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Entrer dans l’histoire du genre et de ses manifestations dans les sources de l’historien, mais aussi la littérature et les arts confronte le chercheur à la question de la nomination, de la catégorisation et de la classification, dont il se doit d’interroger les biais idéologiques et les limites épistémologiques. Dénaturaliser les identités de genre et les rapports de sexe passe nécessairement par un rapport critique au langage, exigeant la création de désignations pour mieux nommer ce que l’on cherche à appréhender, mais aussi, sinon d’abord, l’évaluation de l’historicité des mots et des actes de langage dans les sources et les corpus[1]. Comment entendre les façons de dire éloignées, comment les ressaisir dans le récit et l’analyse ? Comment énoncer les identités de genre et les rapports sociaux de sexe, dans une langue qui à la fois décrit et défait son objet ? Et comment, de cette langue, mesurer le gain ou le danger de l’anachronie ? Les débats récents sur l’utilisation possible, voire recommandable, d’une langue épicène et féministe illustrent l’actualité de ces questions, et invitent à s’en ressaisir au carrefour de l’histoire, de la littérature, des arts, des langages et des méthodes qui s’y impliquent. Deux lignes directrices guideront ainsi le propos : – La fabrique des concepts : genre, rapports sociaux de sexe, intersectionnalité, consubstantialité, queer, agency, transsexualité, intersexualité, etc. : le chercheur fait aujourd’hui face à une terminologie foisonnante, où se révèlent les enjeux capitaux du choix de métadiscours et d’idiome critique. La dimension transnationale des études de genre a également ajouté à la question déjà complexe de la nomination, celle de la traduction de concepts voyageurs et des réappropriations croisées de ces notions. L’historicité comme régime critique des catégories implique certaines tensions. On pourra notamment s’intéresser aux phénomènes d’apparition et de dévaluation dans le temps de certaines élaborations, mais aussi aux mots qui font controverse, en raison de l’écart, volontairement actualisant, qu’ils produisent avec la spécificité contextuelle des « régimes de genre[2] ». Dans les études littéraires, cette question est d’autant plus insistante que, la littérature étant un espace de reconfiguration des représentations, un imaginaire au carré, l’importation de concepts venus des sciences humaines et sociales pour décrire un monde référentiel y est particulièrement problématique. – Les mots « indigènes », les catégories « endogènes » : il existe aussi des « mots du genre » ordinaires, quotidiens, forgés par les actrices et acteurs de l’histoire pour décrire leur expérience de l’identité de genre et des rapports sociaux de sexe et auxquels les sources donnent partiellement accès. Ces mots, que l’on trouve aussi dans la littérature – qui a le pouvoir (poétique) de reconfigurer les sens et la force de frappe –, dans la presse, militante ou grand public, mais aussi dans les usages vernaculaires ou les insultes (parfois revendiquées et constitutives d’une économie de « retournement de stigmate » nourrissant la littérature aussi bien par revendication hautaine que par le détour plus complexe du sublime de l’abjection[3]), permettent également de penser le genre par une histoire « au ras-du-sol ». [1] Par « les mots du genre », on n’entend pas seulement ici la part du lexique et de la composition morpho-syntaxique de la langue – qui implique les débats sur le genre grammatical comme « marque » (Wittig 1980) ou l’écriture inclusive (Viennot 2014) – mais aussi la puissance propre de l’acte énonciatif que désigne, à la suite des travaux d’Austin, le concept de performatif. Voir, pour des optiques diverses, Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Le Seuil, 1981 ; Judith Butler, Le Pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif (trad. Ch. Nordmann, Amsterdam, 2008) et Laurie Laufer, « Quand dire, c’est exclure », Cliniques méditerranéennes, no 94, 2016). [2] Voir Didier Lett, « Les régimes de genre dans les sociétés occidentales de l’Antiquité au xviie siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales 2012/3 (67e année), p. 563-572. [3] « Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi. » (Jean Genet, Journal du voleur).

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