Socio-histoire du cobot : les « mandats » de la robotique et ses tentations schismatiques

Résumé Fr En

Cet article s’intéresse aux raisons qui ont conduit à l’émergence d’un nouveau label, celui de cobotique, au sein de la communauté des roboticiens dans les années 1990 et à celles qui régissent sa mobilisation par la rhétorique contemporaine de la « quatrième » révolution industrielle. En adoptant une perspective généalogique, le papier pensera cette labélisation comme l’aboutissement d’une série de controverses qui traversent le champ de la robotique depuis la fin des années 1970. C’est notamment autour des débats épistémologiques et techniques concernant la possibilité de concevoir des « robots manipulateurs » au moment du développement de systèmes complexes de contrôle par retour de force que l’article repérera l’origine de ces controverses. Celles-ci s’inscrivent dans un processus d’institutionnalisation de la robotique dans laquelle la question sur les « mandats » de la discipline est largement débattue. En effet les différentes réponses concernant la forme qui devrait avoir un robot interagissant « directement » avec l’environnement, c’est-à-dire une machine prenant en charge la dimension la plus sensible de la technicité humaine, impliquent différentes manières de penser le rôle social, scientifique et technique de la robotique dans l’évolution historique du « machinisme ».

This article focuses on the reasons that led to the emergence of a new label, that of cobotics, within the community of roboticists in the 1990s and those that govern its mobilization by the contemporary rhetoric of the "fourth " industrial Revolution. By adopting a genealogical perspective, the paper will think of this labeling as the culmination of a series of controversies that have crossed the field of robotics since the end of the 1970s. The article will identify the origin of these controversies in particularly around the epistemological and technical debates concerning the possibility of designing "robotic manipulators" at the time of the development of complex control systems by force feedback. These controversies are part of a process of institutionalization of robotics in which the question of the discipline's "mandates" is widely debated. Indeed the different answers concerning the form that should have a robot interacting "directly" with the environment, that is to say a machine taking charge of the most sensitive dimension of human technicality, imply different ways of thinking about the social, scientific and technical role of robotics in the historical evolution of "machinery"