5 avril 2022
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Romain Castellesi, « « Les armes des faibles et la faiblesse des armes » », e-Phaïstos, ID : 10.4000/ephaistos.9944
Alors que les plans sociaux et les fermetures d’usines sont devenus un fait ordinaire de la société française depuis les années 1980, les ouvriers et les ouvrières paraissent avoir disparus de la mémoire collective. Cette thèse entend étudier, à partir de sources publiques, syndicales, audiovisuelles et orales, le phénomène de désindustrialisation à l’aune des résistances qui y sont opposées par les ouvriers. Le progressif délitement de ce groupe social, central jusque dans les années 1970, a en effet bouleversé la société française du temps présent. En s’appuyant sur cinq bassins ouvriers représentant des secteurs, mains-d’œuvre, et territoires variés, nous dressons un panorama des luttes qui s’opposent à la fin des usines. Cette immersion nous a d’abord permis de constater la profondeur chronologique de ces mobilisations, qui se développent dès l’après-guerre dans le cadre de la modernisation industrielle, qui déstabilise certains territoires. Dans les années 1968, l’insubordination ouvrière se conjugue dans nombre d’entreprises avec la problématique de l’emploi et des licenciements. Par la suite, le développement d’une « conscience de crise » voit un affaiblissement des armes de ces travailleurs mais, dans le même temps, une explosion des conflits liés aux fermetures. Ces derniers, qui ne parviennent presque jamais à enrayer le processus de démantèlement des activités, incarnent la défaite du monde ouvrier. Décrits par les médias comme d’ultimes convulsions devant la mort, ces mouvements portent avant tout en eux des fragments d’éthique et une rationalité qui nous informent sur les métamorphoses de l’identité ouvrière. Les communautés et les bassins en ressortent profondément transformés, marqués par une dégradation des indicateurs sociaux qui alimentent autant une stigmatisation de ces espaces qu'un désarroi ouvrier. S’entame alors un deuil collectif et individuel, marqué par la douleur physique et morale du travail ouvrier, la disparition des sociabilités militantes, politiques et du travail ou encore de son savoir-faire. La désindustrialisation est toutefois un phénomène progressif qui, bien souvent, désagrège le tissu productif sur plusieurs décennies, transformant durablement le travail de celles et ceux qui restent dans les usines.