22 février 2024
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Cécilia Roumi, « Un « curieux problème littéraire » : Rendre compte de la performance poétique de manière optimale ou comment optimiser l’écriture du non-scriptible », Études Épistémè, ID : 10.4000/episteme.17720
Au XVIIIe siècle, les performances de lecture ou de déclamation de vers ont provoqué de telles réactions de plaisir que beaucoup de spectateurs ont voulu les retranscrire par écrit. Cependant, est-il possible de rendre compte par l’écriture de la matière orale, indissociable des effets de présence et d’actio du lecteur ? Existe-t-il une manière optimale de « mettre en onde » (Jacques Wagner) l’écrit afin de donner à entendre la performance poétique ? Parmi les amateurs de tels spectacles, beaucoup se sont essayés à consigner par écrit leur expérience en proposant une analyse fine de la voix du lecteur, de son timbre, de son ambitus ou de sa puissance vocale. Certains, comme Grétry, ont poussé l’exercice jusqu’à convertir l’expérience de la lecture poétique en notation musicale accompagnée de commentaires en prose. D’autres préférèrent mettre en place des stratégies de compensation ou de détournement. Assumant les limites du langage écrit pour rendre compte de la voix parlée, certains optent alors pour la citation de fragments entendus. Ne vaudrait-il pas mieux toutefois faire le sacrifice d’un compte-rendu objectif et autoriser la langue à déployer sa puissance poétique afin de rendre non pas seulement la lettre du spectacle mais l’esprit ? C’est le choix qu’ont fait certains écrivains qui décident de déplacer le récit vers la réception de la lecture à haute voix : ils proposent une description en mouvement de la collectivité saisie par l’émotion, donnant paradoxalement à entendre ce qu’il y a de proprement immatériel et éphémère dans la performance poétique.