2 juillet 2020
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Prout Quicke Sarah, « Settler-Colonial Spatial Logics and Indigenous internal (non)Migration in Australia », Espace populations sociétés, ID : 10.4000/eps.9838
En Australie, le concept nébuleux “d’isolement géographique” est au cœur de la politique sociale destinée au monde autochtone. Un imaginaire spatial tenace ancré dans la colonisation de peuplement considère l’Australie profonde simultanément en tant qu’espace de prédilection d’une autochtonie authentique, et comme un problème politique de grande complexité. Au cours des 50 dernières années, les petites communautés autochtones qui prédominent dans l’Australie profonde ont été essentiellement qualifiées, de façon cyclique et sur le plan discursif, de parasites : économiquement improductives (dans une logique néolibérale), socialement dysfonctionnelles et placées de ce fait sous perfusion de la dépense sociale gouvernementale. L’État soutient que l’investissement continu dans des services et des infrastructures essentielles dans ces petites communautés n’est pas viable. La justice spatiale et procédurale à l’origine de ces situations produit des géographies historiques dont la complexité et l’importance doivent être questionnées et prudemment analysées. L’objectif de cet article est cependant d’aborder de façon critique la « solution » politique envisagée au regard de « l’embarrassante tâche » de gouverner l’isolement géographique autochtone. En pratique, les politiques publiques australiennes reposent précisément sur l’idée tacite et largement infondée selon laquelle un accroissement de la migration autochtone des petites communautés rurales isolées vers de petites et grandes villes, parce qu’elle faciliterait l’accès des autochtones à l’éducation et à l’embauche, résoudra plus ou moins automatiquement ce problème politique complexe. Les données empiriques présentées dans cet article suggèrent que la population autochtone australienne expérimenterait actuellement une transition urbaine comparable à celle de nombreuses sociétés plus profondément rurales encore en Asie et en Afrique. Cependant, le contexte, la régulation, la gestion, l’expérience et les résultats de la migration des secteurs ruraux isolés vers la ville sont sans doute considérablement différents dans des États fondés sur des colonies de peuplement tel que l’Australie et dans des pays à faible et moyen revenu, et pas forcément toujours en phase avec les objectifs des politiques sociales étatiques. Cet article envisage de ce fait des approches alternatives à la manière d’aborder théoriquement la migration autochtone en géographie. Il revient en particulier sur la théorie des systèmes de migration rurale-urbaine de Mabogunje [1970], qui prête à la fois attention aux spécificités du contexte économique, socio-culturel et politique plus large dans lequel la migration prend place, et à la capacité d’agir des migrants, à leurs logiques, et à leur prise de décision et ses conséquences. Tout en dépassant ce que Kukutai et Taylor [2012] qualifient de « démographie postcoloniale » conventionnelle, une telle démarche invite à explorer les formes d’engagement possibles dans un savoir envisageant les décisions, catégories, expériences et conséquences de la migration autochtone dans une perspective décolonisée.