28 février 2020
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Nadège Mézié, « Être Haïtien en Haïti : protestation et appartenance dans les débats sur le Champ de Mars à Port-au-Prince », L’Espace Politique, ID : 10.4000/espacepolitique.6952
Sur le Champ de Mars, centre névralgique de la capitale haïtienne où pouvoir et contre-pouvoir se confrontent, à quelques pas du palais national en reconstruction et d’autres ministères, des débats de rue ont lieu tous les jours de la semaine. Ils rassemblent entre 20 et 200 personnes, des hommes principalement venus de bidonvilles alentours et des étudiants. Ces débats ne sont pas encadrés par un parti politique. Les participants y parlent de religion, économie, géopolitique, éducation. Deux sujets, qui font entrer en collusion territoire et histoire, occupent une place centrale dans les discussions : la souveraineté et les délimitations de la communauté nationale. Les participants développent, dans un contexte de crise et d’émigration importante, un nationalisme qui repose sur un principe d’attachement exclusiviste : pour être Haïtien, il faut l’être en Haïti et ne pas songer à partir. Cet article, fondé sur une enquête ethnographique réalisée en 2017, se propose ainsi de mettre en lumière les différents niveaux de territorialité qui sont en jeu dans les débats (cercle des discussions, Champ de Mars, Port-au-Prince, Haïti, international) et leur articulation avec les imaginaires et les conceptions locales de la communauté nationale, de la souveraineté et de la citoyenneté. La rhétorique politique, la relation à l’espace et à l’histoire, les inquiétudes et les colères que l’on peut observer dans ces débats informent sur les grandes manifestations contre la corruption qui ont eu lieu dans le pays au cours de 2019.