19 février 2024
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Daniel Petit, « Linguistique historique et mythologie des langues : l’Anti-Kaulen d’August Friedrich Pott (1863) », Essais, ID : 10.4000/essais.13036
En raison de ses liens évidents avec la plupart des activités humaines, le langage est par définition un objet d’étude qui a donné lieu depuis toujours à des approches interdisciplinaires et attiré l’attention des personnalités les plus diverses. Plusieurs fois dans l’histoire de la linguistique, toutefois, on observe des moments de tension dans lesquels les linguistes rappellent aux non-linguistes qu’on ne peut pas dire et faire n’importe quoi sur le langage et qu’il faut laisser la linguistique à ceux qui s’en sont fait une spécialité. L’objet de cet article est de décrire en ces termes une polémique qui opposa au début des années 1860 le théologien Franz Philip Kaulen (1827-1907) et le linguiste August Friedrich Pott (1802-1887). Alors que le premier réaffirmait le message de la Bible en défendant la primauté de la langue hébraïque dont dériveraient toutes les langues du monde par suite de la confusion de la Tour de Babel, le second posait comme une nécessité absolue une analyse proprement scientifique du langage. Loin de se résumer à un débat entre la monogenèse et la polygenèse du langage, comme on a pu parfois le penser, la polémique entre Kaulen et Pott illustre une revendication fondamentale des linguistes du XIXe siècle, à savoir l’idée que les théologiens, avec leurs scénarios mythiques et religieux, n’ont rien à dire à la linguistique et que celle-ci appartient en propre aux linguistes, à supposer que ceux-ci définissent clairement leur objet et ses limites.