13 novembre 2013
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Doyle McKey et al., « Maintien du potentiel adaptatif chez les plantes domestiquées à propagation clonale », Revue d’ethnoécologie, ID : 10.4000/ethnoecologie.741
Nous avons étudié comment les Amérindiens d’Amazonie maintiennent à la fois la performance agronomique et la diversité génétique de leurs cultures de manioc. Domestiqué en Amazonie il y a probablement plus de 7000 ans, le manioc est aujourd’hui à la base de l’alimentation de près d’un milliard de personnes. Cette plante est majoritairement reproduite par bouturage ; cette propagation clonale confère d’énormes avantages agronomiques, mais, pratiquée en excluant toute reproduction sexuée, elle peut conduire à l’appauvrissement génétique des populations domestiquées, donc à la perte de leurs capacités d’adaptation. Nous avons montré que les paysans amérindiens incorporent régulièrement des plantes issues de graines à partir d’une banque de graines dormantes dans le sol. Toutes les plantes issues de graine correspondent à de nouveaux génotypes recombinants, et leur incorporation par les cultivateurs dans le stock de boutures maintient donc la diversité génétique des populations. Cependant, le régime de reproduction du manioc dans les champs amérindiens est fortement consanguin, et les individus consanguins souffrent d’une performance agronomique très médiocre. Par l’incorporation très sélective des plantes issues de graines – via des processus associant sélection naturelle et artificielle – les cultivateurs amérindiens parviennent à maintenir à la fois la diversité génétique et la performance agronomique de leurs populations de manioc, en combinant reproduction sexuée et propagation clonale de façon à bénéficier des avantages des deux modes de reproduction tout en minimisant leurs inconvénients. Dans les régions où le manioc a été introduit depuis la « découverte » de l’Amérique par les Européens, les savoirs des cultivateurs amérindiens sur l’utilisation des produits de la reproduction sexuée n’ont pas été introduits avec la plante, et nous examinons les conséquences que la réinvention lente et hétérogène de ces savoirs peut avoir pour la durabilité de la contribution du manioc à la sécurité alimentaire.