Le culturalisme traditionaliste africaniste

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20 décembre 2016

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Jean-Pierre Olivier de Sardan, « Le culturalisme traditionaliste africaniste », Cahiers d’études africaines, ID : 10.4000/etudesafricaines.16181


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Si les comportements des agents de l’État en Afrique sont si peu conformes aux normes officielles, ce serait parce qu’ils suivraient des normes sociales issues pour une bonne part de leur culture ancestrale… Cet argument n’est jamais fondé sur des analyses historiques fines, mais il est régulièrement réaffirmé, sous des habillages théoriques divers, comme par exemple en science politique avec les travaux récents de Schatzberg et de Chabal et Daloz.Dans un premier temps, la notion de « culture africaine » est ici analysée comme un haut lieu de projection de clichés et de stéréotypes, sans ancrage empirique, qui prennent la forme d’une idéologie scientifique qu’on pourrait appeler le « culturalisme traditionaliste africaniste » (cta), procédant par l’oubli des contre-exemples et ignorant la multiplicité des répertoires et des logiques sociales, comme la complexité et l’hétérogénéité des sociétés locales ou des mondes professionnels, et privilégiant les seules dimensions exotiques pour un regard occidental (parenté, ethnie, forces occultes). Dans un deuxième temps, c’est l’histoire même du concept de « culture » dans le champ spécifique de l’anthropologie et de la sociologie qui est examinée de façon critique. La réorganisation sémantique de ce concept par Talcott Parsons et Clifford Geertz a pavé la voie à l’idéologie culturaliste moderne, en décrochant le concept de ses ancrages empiriques antérieurs, et en l’insérant dans une dichotomie « tradition vs modernité ». Dans un troisième temps, un usage alternatif mesuré, empiriquement fondé, du concept de « culture », est proposé, aussi éloigné que possible du culturalisme : une culture est un ensemble de pratiques et de représentations dont des enquêtes auront montré qu’elles étaient significativement partagées par un groupe (ou un sous-groupe) donné, dans des domaines donnés, et dans des contextes donnés. Loin des généralisations abusives, on met alors l’accent sur les systèmes d’interactions, et les cultures locales, institutionnelles ou professionnelles, avec leur plasticité, leur syncrétisme, leur diversité, leur ambivalence.

If African civil servants do not behave in accordance with official standards, it is because they follow social norms that mainly derive from their ancestral culture… While that argument is never based on detailed historical analysis, it is nevertheless regularly asserted in various theoretical guises, as for instance in political science in recent works by Schatzberg, Chabal and Daloz.Here we first analyse the notion of “African culture” as the focus point for projecting clichés and stereotypes without empirical foundations that form a scientific ideology we call “Africanist traditionalist culturalism” (ATC). This conveniently forgets counter-examples and ignores the numerous social repertories and logics, such as the complexity and heterogeneity of local societies and professional communities, and only emphasizes the exotic aspects for Western viewpoints (relationships, ethnic groups, supernatural forces, etc.). Next, we carry out a critical examination of the history of the concept of “culture” in the specific fields of anthropology and sociology. The semantic reorganisation of this concept by Talcott Parsons and Clifford Geertz paved the way for modern culturalist ideology by detaching the concept from its former empirical roots and inserting it into a “tradition vs. modernity” dichotomy. Lastly we suggest a moderate alternative usage of the concept of “culture”, which has empirical foundations and is as far removed as possible from culturalism. A culture is a set of practices and representations that surveys have shown to be significantly shared by a given group (or sub-group) in a given area and in a given context. Setting aside excessive generalizations, we emphasize systems of interaction and local, institutional or professional cultures, with their own malleability, syncretism, diversity and ambivalence.

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