1 octobre 2013
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François Martin, « Des faux qui ne trompent personne. Les textes d’abdication sous les Six Dynasties », Extrême-Orient Extrême-Occident, ID : 10.4000/extremeorient.83
Une des caractéristiques les plus frappantes du haut Moyen Âge chinois (iiie-vie s.) est un mode original de succession d’une dynastie à une autre : celui d’une abdication (on en compte quatorze en tout) reposant sur la fiction d’une cession volontaire du pouvoir au profit d’un usurpateur qui le détient déjà dans les faits. Le processus, censé inspiré par le précédent des sages empereurs mythiques Yao et Shun, avait en fait pour prototype l’abdication extorquée par Wang Mang à la maison des Han, bien que cette figure maudite ne soit jamais évoquée à leur propos. Un certain nombre de textes caractéristiques – panégyrique du futur souverain, acte d’abdication, brevet de transmission du sceau de l’État, etc. – jouaient dans le mécanisme de l’abdication un rôle fondamental. Tous ces textes, qui sont parfois des chefs-d’œuvre d’art littéraire, et font appel en tous cas à une science rhétorique consommée, n’étaient pas de la main du souverain abdicataire, censé cependant en être l’auteur, mais étaient dus au pinceau d’auteurs de renom. Si ces écrits, qui faisaient massivement appel aux précédents historiques et à l’idéologie impériale (le mandat céleste en particulier) ne trompaient certainement personne, ils étaient nécessaires à la légitimation de l’abdication. La notion de faux se détache ici de son support matériel pour rejoindre les catégories morales. Bien que ces « textes d’abdication » ne puissent être confondus avec les ordres impériaux forgés à l’occasion de tel ou tel coup de force – des faux purs et simples dans tous les sens du mot – , ils méritent bien aux aussi, par leur intention de tromper la postérité – sinon les contemporains – et de falsifier l’Histoire, d’être qualifiés de faux. On a pris comme support de cet étude un cas concret : l’abdication du dernier souverain des Song de Liu au profit du fondateur des Qi méridionaux, en 479, et on a tenté de montrer que l’opinion était loin d’accepter sans ciller cette falsification portée à la hauteur d’une institution.