26 janvier 2012
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Régis Boyer, « Gobi de Tor Åge Bringsværd. Histoire(s), Histoire, Historia : de la fascination de raconter », Germanica, ID : 10.4000/germanica.1258
L'auteur part d'une double constatation : le genre narratif, notamment roman ou surtout nouvelle, a toujours, semble-t-il, été une sorte de spécialité Scandinave ; la passion de conter, de raconter paraît faire partie des composantes inaliénables du génie nordique. En sorte que prétendre faire de l'Histoire, avec majuscule, désir dont nous savons aujourd'hui la vanité, revient ici avec constance à vouloir raconter des histoires. Cette opinion est étayée par une analyse rapide de Gobi, la lune de l'enfance, du romancier norvégien actuel Tor Åge Bringsværd, ce livre, premier d'une série parvenue aujourd'hui à son cinquième volume, étant finalement une méditation autour de l'extraordinaire destinée de Gengis Khan. Il n'est pas difficile de montrer que ce roman est composé autour d'une demi-douzaine de thèmes principaux, tous fondés sur des légendes ou réminiscences plus ou moins historiques, qui engendrent volontiers des sous-thèmes provisoires, thèmes et sous-thèmes apparaissant, reparaissant, interférant selon une technique consciente et fort élaborée, un peu comme un travail hautement artisanal de marqueterie ou de mosaïque ou de tapisserie. C'est le lieu de faire remarquer que les Scandinaves, depuis que nous les connaissons, ont toujours été, dans tous les domaines, d’ornementateurs, de décorateurs, des artisans au plus noble sens du terme, ardents à pousser les possibilités d'expression du matériau qu'ils travaillent à une sorte de point de perfection. Or cette conception s'applique parfaitement aux sagas islandaises (xiiie siècle), par lesquelles la « littérature » a débuté, avec un éclat nonpareil, dans le Nord. La continuité, ici saisie à travers l'œuvre d'un écrivain donné (mais il serait tout à fait facile de prodiguer d'autres exemples) est patente. Or les sagas islandaises, œuvres de clercs, entendaient « attraire à moralité », c'est-à-dire que le genre de l’historia (évoquer le passé pour en tirer une leçon) dictait et l'éventuel souci d'écrire de l'Histoire, et la passion de narrer des histoires. Il semble que ce soit sous cet angle que le roman dit historique puisse être envisagé avec le plus de fruit dans le Nord...