7 février 2014
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Laurent Margantin, « Une lecture du monde : Die Abwesenheit, un conte de Peter Handke », Germanica, ID : 10.4000/germanica.1352
Peter Handke poursuit dans Die Abwesenheit la quête d'un « merveilleux » déjà commencée dans Die Lehre der Sainte Victoire, livre dans lequel l'écrivain raconte sa découverte de la peinture de Cézanne et du lieu de révélation capital : la montagne, le haut pays. Les personnages du conte de Handke partent comme l'écrivain dans le texte autobiographique de 1980 à la recherche d'une autre sensation, sensation merveilleuse car elle révèle les arcanes du monde naturel et artistique. Les personnages ont certes quelques ressemblances avec des héros légendaires de certains récits traditionnels — roi, sorcière ou magicien —, mais en eux sont aussi reconnaissables les quatre éléments nécessaires au Grand (Œuvre alchimique : l'Eau (le vieil homme), la Terre (le joueur), l'Air (le soldat), et le Feu (la femme). Ce symbolisme alchimique nous mène à une autre dimension du livre. Chez Handke, le conte n'est plus sortie du réel et accès à un monde imaginaire, mais évasion d'un réel urbain aliénant et entrée dans le « Réel des réels » (Die Lehre der Sainte Victoire), ou, autre expression de l'auteur, dans le « Royaume du monde ». Le réel se dévoile espace merveilleux, où chaque objet est magique et où le voir veut aussi dire l'exprimer (n'oublions pas que Handke a traduit Francis Ponge, grand poète des choses). Il faut donc parler de cet autre Espace-temps du conte, et voir à quels actes celui-ci conduit les personnages pour qu'ils en deviennent les initiés. Là intervient la nécessité de ce que j'appelle une « lecture du monde », espèce de moisson de sensations et de mots que feront les héros arrivés au «Hochland». Mais peut-on demeurer dans cet espace différent ? Dans tout conte le merveilleux est éphémère. L'« oasis du vide », comme l'écrit Handke, est vite ravagé par le monde moderne. L'espace du conte devient chez l'écrivain autrichien ce lieu ambigu où se confrontent un réel magique fragile et un univers moderne désenchanté envahissant peu à peu tout ce qui n'y participe pas.