11 mars 2014
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Florence Bancaud-Maenen, « Kafka et Kierkegaard : Frères de sang ou penseurs contraires ? », Germanica, ID : 10.4000/germanica.2412
La relation souvent méconnue que Kafka noue avec Sören Kierkegaard à partir de 1913 et jusqu'à sa mort, est ambiguë parce que double. Leur affinité est d'abord existentielle, liée au problème du mariage, du père, d'une mélancolie et d'une angoisse constantes. Mais plus problématique est leur rapport intellectuel : si Kafka semble fortement influencé par l'anthropologie kierkegaardienne qui distingue trois stades de développement de l'homme, le stade esthétique, éthique et religieux, ainsi que par ses concepts de limite, d'angoisse comme vertige des possibles et de désespoir comme maladie mortelle, des différences notables opposent les deux penseurs. Kierkegaard opte, après sa rupture avec Regine Olsen, pour le stade religieux, tandis que Kafka s'en tient jusqu'en 1917 au stade esthétique en assumant sa seule vocation littéraire. Il semble toutefois, entre 1917 et 1918, pencher vers le stade éthique en tentant de restaurer un rapport authentique avec le monde et en se démarquant de l'option religieuse de Kierkegaard qu'il interprète comme mépris de ce monde. A la fin de sa vie, Kafka semble pourtant se rapprocher à nouveau du penseur danois en exprimant son aspiration désespérée à la transcendance tout en affirmant l'impossibilité d'accéder totalement au stade religieux. L'histoire de ce dialogue entre deux pensées se donne donc comme le récit du refoulement de la problématique du mariage, comme l'expression de la fascination kafkéenne pour la limite ainsi que d'une quête mystique incessante, quoique souvent déniée par Kafka, dont la philosophie et l'existence de Kierkegaard permettent a contrario de percevoir bien des contradictions constitutives de son être et de son œuvre.