28 novembre 2014
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Jean-François Robinet, « Jaspers et son temps », Germanica, ID : 10.4000/germanica.2434
À partir d’une philosophie, comprise initialement comme éclairement de l’existence, par laquelle il s’est rendu célèbre, Jaspers fait une critique radicale de la civilisation moderne dans La Situation spirituelle de notre époque, en 1930. Il montre que la rationalisation et la massification à l’œuvre dans la société tendent à la négation de la subjectivité. Or, l’individu ne peut se contenter d’être rouage dans un mécanisme, producteur-consommateur dans une économie, aussi abondante soit-elle ! Par cette critique Jaspers s’inscrit dans le mouvement général de la «Kulturkritik» allemande. Mais Jaspers n’est pas seulement un moraliste. Il élabore après 1945 une philosophie positive de l’histoire, où il montre, dans un sens qui n’est pas hégélien, les percées décisives de la raison et les avatars de la liberté dans l’histoire. La civilisation actuelle, désormais mondiale, est en proie à plusieurs dilemmes tragiques : liberté politique ou totalitarisme, paix juridique ou guerre atomique, foi ou nihilisme, que seule une conversion à la raison peut surmonter. Jaspers intervient également, par des prises de position publiques, dans l’actualité politique de la République Fédérale Allemande. Il analyse dès 1945 le délicat problème de la responsabilité du peuple allemand dans les crimes nazis. Il discute le difficile problème de la réunification des deux Allemagnes. Il critique les tendances oligarchiques des partis politiques et les accuse de confisquer la démocratie. Jaspers est bien témoin et acteur de son temps, temps d’une histoire tragique et troublée, où il a toujours lutté pour la clarté rationnelle, la liberté existentielle et la liberté politique.