4 mars 2021
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Laurent Bastard, « L’image, miroir du compagnonnage au XIXe siècle », Images du travail, travail des images, ID : 10.4000/itti.1285
Les compagnonnages sont des associations fraternelles de type initiatique rassemblant de jeunes ouvriers d’une trentaine de métiers différents. Elles se sont constituées à la fin du Moyen Age dans un triple but d’assistance mutuelle, d’éducation et de perfectionnement professionnel. Elles favorisent le voyage de ville en ville (le tour de France) durant quelques années. Elles ont perduré jusqu’à nos jours mais ont dû s’adapter aux transformations de leur environnement politique, social, religieux et technique. Au cours du XIXe siècle, les compagnonnages ont eu recours aux images (dessins aquarellés et lithographies) pour se représenter. Leurs fonctions ont évolué tout au long de cette époque, passant du simple souvenir du tour de France à un ensemble complexe de symboles et de légendes constituant un enseignement crypté à destination des compagnons. Ces images ne constituent pas des "images du travail" puisque les métiers y sont peu évoqués, mais mettent surtout en avant les fonctions morales et éducatives de l’institution compagnonnique. Ce texte explore la piste d’un idiome figuratif des groupes professionnels, qui serait composé non de façons de parler, de valeurs, d’habitudes et croyances, mais d’images et de codes visuels. D’une certaine façon, tout groupe professionnel se trouve confronté une fois ou l’autre à la nécessité de se doter d’un moyen visuel de symboliser son activité, de manière qui soit à la fois reconnaissable par autrui et acceptable ses membres, voire qui soit susceptible de favoriser l’identification mutuelle et la cohésion du groupe. La solution à ce problème est souvent trouvée dans la représentation des outils du métier (ou de certains attributs de l’activité), qui fonctionnent ainsi de manière métonymique comme représentation du professionnel lui-même, et le cas échéant du groupe dans son ensemble. Ce procédé, qui semble dans une large mesure spécifique aux groupes professionnels, se retrouve dans des communautés très éloignées dans le temps et les cultures, des scribes égyptiens aux artisans du Moyen-Age ou aux professions libérales qui défilent contre la loi Macron. L’article tente de baliser, d’un côté, les fondements structurels de cet idiome (les manières dont un objet ou outil est transformé en emblème ou symbole d’un être collectif), et, d’autre part, ses contenus caractéristiques, qu’il relie à une volonté d’affirmation de soi des groupes, à la quête du salut religieux, ou à une façon plus polémique de s’auto-représenter qui se retrouve dans les surenchères de glorification du métier, ou à travers la mise en scène des outils ou attributs dans le cadre de l’action collective.