6 avril 2020
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/0765-0590
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2264-1459
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Dominique Farout, « La hyène dans les assiettes : un particularisme égyptien ? », Kentron, ID : 10.4000/kentron.3954
Les marqueurs sociaux sont nombreux dans les tombes d’élite de l’Égypte ancienne. Un des plus étranges à nos yeux est circonscrit à celles de l’Ancien Empire, entre les IVe et VIe dynasties. On y trouve des hyènes dans les défilés d’animaux de sacrifice et des scènes de gavage de cet animal – ce qui évoque tout pour nous, excepté un délice culinaire et qui pourtant fait parfois partie de la liste des mets de certains menus d’offrandes. Dans l’iconographie, la hyène tient une place d’honneur, de même nature que le lion, parmi le gibier dans les représentations de chasses aristocratiques jusqu’au milieu de la XVIIIe dynastie, ainsi que sur les ostraca ramessides. Ensuite, à la Troisième Période intermédiaire, elle n’est représentée que deux fois, dont une au menu d’un dieu, pour réapparaître seulement dans les scènes nilotiques d’époque gréco-romaine. Contrairement à l’iconographie, la littérature n’en fait guère état. La prétendue nature typhonienne de la hyène ne repose sur aucune source pharaonique. Les restes archéozoologiques sont rares. Quelques restes de hyènes momifiées sont mentionnés. Les ossements témoignant de la consommation de cette viande sont antérieurs à l’époque pharaonique, puis la seule occurrence assurée de débitage de boucherie date du Nouvel Empire et concerne une classe sociale non aristocratique. Ainsi, en l’état actuel, les sources archéologiques et iconographiques ne coïncident pas exactement. Quoi qu’il en soit, la consommation de hyène en Égypte ancienne est assurée et revendiquée. En raison de sa rareté dans les autres sociétés – même si ce fauve est parfois domestiqué ou mangé – cette pratique égyptienne constitue une spécificité culturelle indéniable. La réaction des égyptologues qui écartent d’emblée la possibilité d’une consommation réelle de cette viande a priori horrible n’est pas moins intéressante. Elle témoigne de nos limites concernant l’appréhension de la culture de l’autre et de nos blocages, parfois insurmontables, en particulier lorsqu’il s’agit de pratiques culinaires.