13 décembre 2023
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Catherine Rémy, « Instruments délicats ou êtres sensibles ? Enquêtes sur la supposée insensibilité des expérimentateurs à l’égard des animaux cobayes », L’Homme, ID : 10.4000/lhomme.47729
Dans la littérature scientifique consacrée à l’expérimentation animale, des travaux ont mis en avant l’existence d’un « compartimentage mental » chez les scientifiques qui produirait une insensibilité à l’égard des animaux cobayes. Après avoir rappelé comment l’expérimentation animale a été encadrée depuis le milieu du xixe siècle, les résultats de deux enquêtes ethnographiques menées dans des laboratoires de recherche en physiologie animale et en xénotransplantation intra et inter-espèce sont exposés. Dans le premier laboratoire, l’observation participante donne à voir une pratique de l’expérimentation qui actualise une « forme sacrificielle » : le cobaye est plaint en tant que victime et traité avec sensibilité par les animaliers éleveurs qui s’occupent dans la durée des animaux, alors que les scientifiques apparaissent, pour leur part, plus détachés des cobayes. Dans le second laboratoire, l’observation met en évidence une pratique de l’expérimentation au cours de laquelle les primates sont traités comme des quasi-humains, tandis que les cochons, sur lesquels sont prélevés des organes, sont mis à distance et suscitent l’indifférence. Ainsi, dans les deux laboratoires, des expressions de sensibilité et d’insensibilité émergent de façon conjointe, quoique dans des configurations différentes ; la thèse du « compartimentage mental » doit être nuancée et les conditions de son apparition explicitées, afin de mieux comprendre le rapport qui se noue entre expérimentateurs et animaux cobayes.