13 juin 2014
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Melanie White, « Arrêt sur image et premier plan absolu dans les poèmes homériques de Michael Longley », Revue LISA / LISA e-journal, ID : 10.4000/lisa.6001
Cet article vise à analyser la façon dont Michael Longley, dans ses poèmes inspirés de l’Odyssée, fige la temporalité de la narration homérique et la remplace par un présent atemporel, suspendu hors de la progression épique. Choisissant fréquemment des scènes de reconnaissance, comme dans les poèmes « Anticleia », « Eurycleia » ou « Laertes », Longley concentre l’attention du lecteur en transformant un moment clef de la trame de l’épopée en un instant lyrique, coupé de toute perspective chronologique et narrative, faisant de l’épisode original un fragment autonome. Il explique ainsi sa démarche : « From the outset, in my Homeric poems I pushed against the narrative momentum and ‘freeze-framed’ passages to release their lyric potential ». Cet arrêt sur image fonctionne par l’instauration d’un effet de loupe, qui place chaque action accomplie par le protagoniste épique sur un premier plan absolu, comme si chacune avait lieu sous les yeux du lecteur, dans une immédiateté qui renforce le présentisme homérique ainsi défini par Erich Auerbach dans Mimesis : « J’ai nommé (plus haut) le style homérique un style du ‘premier plan’, du fait qu’en dépit de maintes anticipations et de maints retours en arrière il présente toujours ce qui est en train d’être conté comme un pur présent, sans perspective ». De même, l’unité syntaxique de ces poèmes, composés d’une seule longue phrase, participe de ce phénomène de présentification. Par différents procédés entre traduction et création, Longley propose une modulation de la simultanéité épique en superposant différents plans de réalité, notamment par la juxtaposition de propositions reliées par « as », qui aboutissent à se confondre en une perspective unique, qui fixe, tel un arrêt sur image, l’émergence d’une conscience poétique en formation.