15 octobre 2014
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1762-6153
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Philippe Hamou, « Sur les origines du concept de méthode à l’âge classique : La Ramée, Bacon et Descartes », Revue LISA / LISA e-journal, ID : 10.4000/lisa.6249
Le concept de méthode qui a cours au début de l’époque moderne ne désignait pas, comme c’est le cas aujourd’hui, l’idée d’un discours formel qui précède la science et la dirige, prescrivant par avance les étapes de la recherche et les procédures de contrôle. Au XVIe siècle, Pierre de la Ramée contribue à construire le concept classique de méthode en en important la notion du champ de la rhétorique vers celui de la logique. Dans sa Dialectique française (1555), il désigne la méthode comme un « art de la disposition » qui vient après l’invention et le jugement, et montre comment le maître ou le savant doit présenter et transmettre un savoir dont les contenus sont déjà acquis. Ce sens pédagogique du terme est encore dominant au début du XVIIe siècle lorsqu’on commence, dans le sillage de Descartes et de Bacon, à considérer l’idée d’une « méthode d’invention », une expression qui devait apparaître alors, dans l’ambiance de la logique ramiste, comme un oxymore. Cet article examine les usages cartésiens et baconiens du terme méthode, method ou methodus. Bacon ne l’utilise jamais pour désigner sa propre voie de l’invention (qu’il nomme « via », « ratio », « inductio ») et cantonne le terme de méthode à son ancien sens d’art de la transmission. Descartes, qui est sans doute l’inventeur de l’acception moderne de la méthode comme art d’inventer, un art qu’il construit sur le modèle des techniques de l’analyse géométrique, conserve pourtant quelque chose de la connotation pédagogique ancienne. Il est clair que pour lui, acquérir des connaissances méthodiquement résulte de l’application à soi-même d’une méthode d’auto-éducation, plutôt que de l’application de règles formelles. Cette étude contribue finalement à réviser notre approche traditionnelle du contraste entre les « méthodes » cartésiennes et baconiennes. Leur différence n’est pas tant épistémologique qu’anthropologique et peut-être religieuse, les deux auteurs révélant surtout leur contraste dans les réponses qu’ils apportent à la question des limitations et du perfectionnement des capacités humaines.