6 avril 2023
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Mathilde La Cassagnère, « Poems from the interval: violence in Ted Hughes’s animal still-lifes », Miranda, ID : 10.4000/miranda.51915
Dans les « natures mourantes » du poète Ted Hughes, la pulsion scopique telle qu’elle se manifeste dans les natures mortes traditionnelles s’inverse en soumettant l'œil humain au regard pétrifiant de la bête morte ou à l’agonie. Ce faisant, le texte s’ouvre pour opérer la genèse d’une créature hybride, créature des intervalles où se croisent, se métissent langage humain et corps animal en un va-et-vient entre la vie et la mort, dans une dimension semblable au bardo — terme tibétain désignant cet « intervalle entre deux états » où le chaman en transe est violemment mis à mort par un animal démoniaque afin de renaître sous une nouvelle forme. Il semblerait ainsi que les natures mourantes issues de ces intervalles aient été conçues par Ted Hughes pour l’intervalle que nous traversons, cette ère charnière nommée Anthropocène et dans laquelle notre civilisation menace de s’autodétruire : ces poèmes mettent en œuvre une transformation profonde de notre relation aux animaux, à la nature, comme autant de signes d’alerte avant le point de non-retour. Le présent article a pour but d’analyser le triple processus — inversion de la pulsion scopique, croisement humain-animal, mort régénératrice — par l’étude de trois natures mourantes parmi les plus violentes de Ted Hughes : « Pike », « The Jaguar » et « Second Glance at a Jaguar ».