16 juillet 2015
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2108-6559
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Christine Vandamme, « The Madwoman in the Antique:Body and Gaze in Conrad’s ‘The Return’ », Miranda, ID : 10.4000/miranda.6880
A lire le résumé de l’intrigue, la nouvelle de Joseph Conrad « The Return », pourrait sembler un peu terne et conventionnelle: il n’est pas de thème plus rebattu que l’infidélité et Mrs Hervey a, de surcroît, le mauvais goût de revenir au foyer conjugal sans raison apparente, du moins aux yeux de son époux. Mais c’est justement sur cette question des apparences et de leur vacillement en tant que symptôme d’une société victorienne pétrifiée et moribonde, que repose toute l’originalité de la nouvelle. La subtile critique morale et sociétale de Conrad se joue sur un mode presque théâtral où le lecteur-spectateur assiste à la confrontation entre un homme et son épouse fétichisée et érigée en femme-statue, supposée lui offrir en miroir les vertus cardinales de l’idéal féminin victorien, le célèbre « ange domestique » célébré par Coventry Patmore. Mais toute l’originalité et la force de la nouvelle résident justement dans le choix de valeurs à la fois victoriennes et hautement conradiennes, la retenue, le devoir et la fidélité qui se voient ainsi apparemment souillées aux yeux du mari, alors même que la fissuration progressive du masque et du moule hérités de la perfection et de la maîtrise antiques et apolliniennes introduisent le retour du corps, du désir et surtout de la vitalité dionysiaque, ultime retournement salvateur mais non dénué d’une ironie dramatique cinglante puisque c’est le mari qui ressortira purifié de cette éprouvante traversée des apparences. Au travers de jeux subtils de métaphores et de références à la statuaire et à la mythologie antiques d’une part et aux frémissements du corps et du regard de l’autre, Conrad offre au lecteur un corps-à-corps avec le texte saisissant de clairvoyance et de dérision sur le simulacre, moralité figée ou vision délétère des rapports homme-femme à l’époque victorienne.