27 avril 2018
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Svetlana Suveica, « Between Science, Politics and Propaganda », Cahiers du monde russe, ID : 10.4000/monderusse.10129
Cet article étudie l’apport du géographe français Emmanuel de Martonne dans la clarification du statut de la Bessarabie, l’une des régions frontalières est‑européennes disputées après la Première Guerre mondiale, qui vit d’abord son détachement de l’Empire russe puis, en 1918, son annexion à la Roumanie. L’auteure étudie la double activité de de Martonne vis‑à‑vis de la région : d’une part en tant que géographe expert de la commission territoriale des affaires roumaines et yougoslaves, au sein de laquelle il a exposé de façon argumentée le caractère roumain de la région et, de l’autre, en tant qu’universitaire pleinement investi dans la vie publique, au sein de laquelle la possible propagation du bolchevisme était perçue comme un sujet sensible. Le géographe a soutenu les intérêts roumains dans la région, tout en soulignant le rôle de la Roumanie dans le combat anti‑bolchevik. De Martonne maintenait des contacts étroits avec les officiels roumains et bessarabiens : il les conseillait sur les stratégies à prendre pour contrer la propagande anti‑roumaine qui était menée avec succès à Paris et ailleurs aussi par les Russes blancs et les émigrés bessarabiens. La polémique médiatique entre de Martonne et Aleksandr N. Krupenskij, chef de la « délégation de Bessarabie » à Paris, s’entremêla au débat sur le statut de la Bessarabie qui opposait acteurs russes et acteurs roumains et dans lequel la propagande jouait un rôle crucial. Cette polémique, qui illustre bien le caractère et la trajectoire du débat, déployait des arguments de toutes sortes, géopolitiques aussi, étayés par des cartes et des statistiques. De Martonne faisait appel à la presse pour aborder des questions qui n’étaient pas explicitement mentionnées dans ses rapports d’expertise à la commission territoriale, mais qui plaisaient au public français. Revendiquant le discours d’un universitaire objectif et neutre, il recourait néanmoins à son statut de scientifique pour recentrer l’attention sur lui et imposer son point de vue. Ceci tend à prouver que la ligne entre science, politique et propagande était aisément franchissable. L’épisode polémique a permis de mieux comprendre l’ampleur et la complexité du débat sur cette région, débat qui impliquait des acteurs secondaires, tant à Paris que dans la région même, et qui témoigne de la mesure du retentissement du débat dans la région.