Des tombes d’aristocrates paléolithiques ? Ce que nous dit (et ne nous dit pas) le traitement des morts

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16 août 2022

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Dominique Henry-Gambier et al., « Des tombes d’aristocrates paléolithiques ? Ce que nous dit (et ne nous dit pas) le traitement des morts », Paléo, ID : 10.4000/paleo.6689


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Depuis V. G. Childe, l’apparition des inégalités sociales est classiquement mise en relation avec la néolithisation, mais ces dernières décennies plusieurs travaux, qui s’appuient en particulier sur les données funéraires, ont suggéré que des sociétés inégalitaires et hiérarchisées avaient existé dès le Paléolithique supérieur. Néanmoins, lorsque l’on examine attentivement les arguments avancés et les faits se rapportant aux pratiques funéraires, cette hypothèse apparaît en réalité très faiblement étayée. En ce qui concerne l’architecture des tombes, il n’y a aucun exemple de sépulture paléolithique qui aurait demandé un investissement important. L’interprétation sociale des mobiliers et parures, sur lesquels portent en majorité les raisonnements, soulève de nombreuses et importantes difficultés théoriques et pratiques. Toutes les méthodes utilisées pour mesurer des différences quantitatives ou qualitatives, ou identifier des biens ayant une valeur économique à partir de critères tels que la rareté des matériaux, la complexité des techniques mises en œuvre ou le temps de travail investi, sont critiquables à des degrés divers. Mais avant tout elles ne peuvent fonctionner que si l’on présuppose que la richesse existe, elles ne peuvent pas démontrer cette existence. S’ajoute à cela que la plupart des données proviennent de fouilles anciennes et que beaucoup des informations de terrain dont nous disposons sont lacunaires ou incertaines. L’examen en particulier des sépultures les plus couramment considérées comme témoignant d’inégalités sociales, Sungir 1, 2-3, Arene Candide I, Brno 2, Saint-Germain-la-Rivière et La Madeleine, conduit à être beaucoup plus réservé sur cette interprétation. Les morts eux-mêmes n’apportent pas de meilleure indication. Si la pratique de l’accompagnement mérite d’être discutée pour quelques sépultures, elle n’est pas démontrée, et de toute façon son existence n’impliquerait pas forcément celle de hiérarchies. Quant aux rassemblements de tombes, qui pourraient en théorie indiquer un certain degré de sédentarité et indirectement une société inégalitaire, on ne peut jamais véritablement assurer qu’ils résultent d’une réelle volonté de regrouper les défunts. En conclusion, s’il a existé des sociétés économiquement inégalitaires et hiérarchisées au Paléolithique supérieur, en l’état des connaissances rien de ce qui touche aux pratiques funéraires ne permet objectivement de le démontrer.

Since V. G. Childe, the emergence of social inequalities has been classically associated with neolithization. Over the past decades, though, several studies, based in particular on funerary data, have suggested that unequal and hierarchical societies existed as early as the Upper Palaeolithic. Nevertheless, upon closer examination of the arguments put forward and of the facts related to funerary practices, this hypothesis appears in truth very poorly founded. With regard to the architecture of the graves, there is no example of any Palaeolithic burial that required a major commitment. The social interpretation of grave goods and ornaments, on which most argumentation is based, raises many huge theoretical and practical difficulties. All the methods used to measure qualitative or quantitative differences, or to identify economically valued goods based on the rarity of the material, the complexity of the implemented techniques or the amount of working time put into them, are debatable to varying extents. Above all, they can work only if one assumes that there was such a thing as wealth, they cannot demonstrate that wealth actually existed. Moreover, most data come from early excavations and a lot of field information is missing or uncertain. A close examination of burials commonly considered as testifying to social inequalities, namely Sungir 1, 2-3, Arene Candide I, Brno 2, Saint-Germain-la-Rivière and La Madeleine, leads to a much more cautious interpretation. And there are no better insights to be provided by the dead themselves. The practice of accompaniment can possibly be discussed for some of these burials, but it is not evidenced and in any case its existence would not automatically imply that of hierarchies. As for the grouping of burials, which could theoretically indicate some degree of sedentariness and be indirect evidence of an unequal society, one can never truly assess that it results from an actual intention to gather the dead. In conclusion, if economically unequal and hierarchical societies ever existed during the Upper Palaeolithic, the present state of knowledge with regards to funerary practices makes it impossible to objectively produce any evidence.

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