30 novembre 2017
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Amélie Ducroux, « Tourner autour du vase chinois : poétique de l’immobilité vive chez T.S. Eliot », Polysèmes, ID : 10.4000/polysemes.2286
Le moment, motif central dans la poésie de T.S. Eliot, ne peut être saisi, ne peut être que pointé du doigt ou représenté symboliquement, car à qui veut le saisir, il n’offre que le constat d’une perte. Ce moment que la voix de « The Love Song of J. Alfred Prufrock » évite et appelle tout à la fois, n’est-il pas, au-delà d’une « question bouleversante » que nulle interprétation ne saura mettre au jour, au-delà d’un moment d’expérience dont l’intensité pourrait ébranler le sujet jusqu’à sa perte, la révélation du dessaisissement qui accompagne toute tentative d’attraper le moment au vol ? Comment la poésie d’Eliot parvient-elle à exprimer ce mouvement contradictoire ? Dans Four Quartets, Eliot a appréhendé le moment en une variation poético-philosophique autour de ce motif, motif qui prend la forme d’images, dont le « still point of the turning world » reste la plus frappante. Le moment est appréhendé non plus en tant qu’« unité » temporelle désirable et insaisissable, mais en tant que « point » inassignable, à la fois fixe et mouvant, « du monde qui tourne ». L’image du « vase chinois » (« Chinese jar ») dans « Burnt Norton » semble exprimer cette « immobilité vive », cette immobilité tournante qu’est aussi le poème. Cette image sera le point d’appui de cette appréhension de l’« immobilité vive » au cœur de la poésie d’Eliot, une poésie qui, dans Four Quartets notamment, devient lieu d’élaboration de concepts, lieu autre mais non moins légitime ni non moins productif que celui du discours.