Reading Abu Ghraib

Résumé Fr En

Cet article défend la thèse selon laquelle ce qui rend les archives photographiques d’Abu Ghraib si particulières ce n’est pas seulement l’impact que peuvent avoir les images littérales de mort et de violences corporelles qu’elles présentent, mais aussi le retour d’un certain spectre du modernisme qui hante les archives photographiques de la politique étrangère américaine. Les clichés numériques d’Abu Ghraib ne mettent pas seulement en évidence des mises en scène de sadomasochisme, d’asservissement et de domination militaires, mais pointent du doigt un spectre de violence plus difficile à cerner, spectre dont la troublante répétition vient entacher l’illusion de bellum justum entretenue par l’Amérique, qui maintient la zone d’exclusion constituée par le camp moderne. En tant que documents du Réel, les archives numériques d’Abu Ghraib témoignent de l’horreur de l’exceptionnalisme américain, avec ses pouvoirs souverains et les conséquences traumatiques qu’ils entraînent.

This essay argues that what makes the photographic archive of Abu Ghraib so unique is not just the impact of its literal images of death and bodily violation, but also the return of a certain specter of modernism haunting the photographic archive of American foreign policy. The digital snapshots of Abu Ghraib not only stage scripted scenes of military sadomasochism, bondage, and domination, but gesture toward a more elusive revenant of violence: one whose uncanny repetition stains the fiction of America’s bellum justum with the persistence of the modern camp’s zone of exclusion. As documents of the Real, Abu Ghraib’s digital archive witnesses to the horror of American exceptionalism: its sovereign powers and traumatic side effects.