30 juin 2020
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Clémence Folléa, « Videogames’ Specific Forms of Immersion into the Past, Present, and Future: Experiencing Progress in American McGee’s Alice (2000) and Alice: Madness Returns (2011) », Polysèmes, ID : 10.4000/polysemes.6446
Cet article propose d’analyser deux adaptations vidéoludiques des Alice de Lewis Carroll, afin d’interroger à nouveaux frais les “pratiques immersives” qui, bien que privées de la “réflexivité” habituellement associée au néo-victorien, constituent une part importante des victorianas contemporaines (Boehm-Schnitker et Gruss, 7 et 2, ma traduction). American McGee’s Alice (2000) et Alice: Madness Returns (2011) sont des jeux vidéo, et proposent par conséquent plusieurs types de modalités immersives : grâce à leur univers à la fois narratif, visuel, et interactif, ces deux adaptations offrent à leur large public des perspectives multiples sur les textes de Carroll et sur leur contexte victorien. Par bien des aspects, ces adaptations aux allures gothiques font du passé victorien “l’autre du présent” (Gutleben et Kohlke, ma traduction), en célébrant explicitement les notions de progrès et de changement. Tout d’abord, ces jeux nous plongent dans une progression narrative téléologique, nous invitant à résoudre les traumatismes d’Alice mais aussi plus largement à adopter une perspective progressiste, dans laquelle le passé victorien apparaît comme un univers sombre et où le présent se dessine, par contraste, comme une source d’améliorations. En outre, les notions de progrès et de changement productif sous-tendent non seulement la structure narrative du jeu mais aussi son univers visuel, dont la qualité résolument immersive est célébrée et est clairement associée à des innovations technologiques de pointe : dans American McGee’s Alice en particulier, la qualité des animations, spectaculaires pour l’époque, est mise en avant grâce à une série de contrastes explicites avec des technologies visuelles du XIXe siècle. Cependant, la structure linéaire, téléologique et progressiste des jeux est perturbée par une troisième modalité immersive, qui fait la spécificité médiatique de ces adaptations. En effet, pour avancer dans l’univers narratif et visuel des jeux Alice, le joueur doit se confronter à des séquences de gameplay qui donnent rarement lieu à une progression linéaire : tandis que le joueur essaye, échoue, recommence, et ne cesse d’expérimenter encore et encore avec l’univers interactif du jeu, son expérience du progrès devient participative, et se trouve ainsi constamment malmenée par ses propres efforts de progression.