2 décembre 2015
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Gilles Gourbin, « Faut-il étouffer Sade ? Les avatars du « raisonneur violent » chez Rousseau et Sade », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, ID : 10.4000/rde.5284
Le « raisonneur violent », personnage conceptuel imaginé par Diderot dans l’article DROIT NATUREL, est une arme rhétorique à double détente : visiblement conçu afin de récuser le contractualisme volontariste de Hobbes, l’argumentaire du raisonneur violent est de surcroît une manière oblique d’entrer en confrontation avec la pensée politique de Rousseau. Indirectement visé par Diderot au travers de Hobbes, Rousseau, de son côté, à la même période, reprend dans le Manuscrit de Genève le personnage du « raisonneur violent » dans le but évident d’invalider l’argumentation de Diderot et les résultats auxquels ce dernier parvient en matière de droit politique. Voulant faire valoir sa propre solution contractualiste comme la seule issue envisageable au problème politique, Rousseau, par le truchement de son « homme éclairé et indépendant » prend le risque de donner au point de vue pré-sadien de La Mettrie la puissance spéculative maximale. Héritier de cette double conception critique de la théorie du droit naturel, Sade peut alors être lu comme un auteur qui utilise Rousseau contre Diderot avant de se débarrasser de son involontaire complice. De « l’homme éclairé et indépendant » de Rousseau au « libertin scélérat » de Sade, la confrontation des avatars du « raisonneur violent » de Diderot pourrait ainsi constituer non seulement une approche comparative des théories politiques de ces trois auteurs, mais encore une manière de rendre apparente l’une des stratégies d’écriture favorites du marquis : le détournement ou la subversion philosophiques des penseurs qu’il admirait.