1 mai 2011
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Thomas Petersen, « Une nouvelle identité allemande ? », Regards sur l’économie allemande, ID : 10.4000/rea.3705
En cette année 2009, la République fédérale d’Allemagne fête un double anniversaire. Il y a 60 ans, la deuxième démocratie allemande fut portée sur les fonts baptismaux. Il y a 20 ans, le Mur de Berlin tombait, et la révolution pacifique qui progressait en RDA mena peu après à la réunification des deux Allemagne, deux Etats à la souveraineté jusque là divisée. Comment ces deux chapitres de leur histoire ont-ils laissé leur empreinte sur les Allemands, et comment ont-ils forgé la vision qu’ils ont de leur propre pays ? Les sondages représentatifs menés par l’Institut für Demoskopie d’Allensbach (fondé en 1947, bien avant la naissance de la République fédérale, le 23 mai 1949), révèlent que les Allemands de l’ouest n’entretenaient à l’origine que peu d’espérances envers leur nouvel Etat. L’Institut leur avait posé en février 1949, soit plusieurs mois avant la constitution de la RFA, la question suivante :« Etes-vous pour ou contre la création d’un Etat fédéral ouest-allemand ? ».Une faible majorité de 51 % des personnes interrogées se déclara pour, 23 % d’entre elles contre, et 26 % indifférentes ou sans opinion. Plus révélatrices encore sont les réponses à cette autre question dont, à elle seule, la formulation qu’on considérerait aujourd’hui comme inusuelle reflète le climat de l’opinion d’alors : « Est-ce que la future Constitution ouest-allemande vous laisse indifférent ou est-ce que vous vous intéressez à la question ? ». 40 % répondirent que la future Constitution les laissait indifférents, 33 % s’efforcèrent d’affirmer qu’ils s’y intéressaient « modérément ». Seulement 21 % des Allemands se montrèrent « très intéressés ». Le chaos politique de la République de Weimar et la catastrophe du IIIe Reich, après leur avoir fait perdre toute illusion, avaient laissé un profond dégoût. La majorité des Allemands s’était alors détournée de la politique. Et elle ne fondait guère d’espoir dans la nouvelle RFA.Depuis, après 60 années de paix et de prospérité croissante, l’attitude des Allemands envers leur Etat a profondément changé. Et la République fédérale d’Allemagne est la première démocratie allemande qui ait su s’inscrire dans la durée avec succès. Face à cette évolution, un observateur étranger ne peut manquer de se demander si les Allemands n’auraient pas foncièrement changé de caractère après la chute du IIIe Reich. Or c’est faire fausse route que de poser la question en ces termes. Car cela renvoie implicitement à l’hypothèse que le IIIe Reich constituerait en quelque sorte la normalité, qu’il serait la concrétisation logique et manifeste de spécificités typiquement allemandes. Mais rien, dans l’histoire quasi millénaire de l’Allemagne avant la prise de pouvoir par Hitler, ne corrobore cette hypothèse. Quand on cherche donc à savoir pourquoi se diffuse aujourd’hui hors d’Allemagne l’impression que les Allemands auraient changé de caractère, il faut considérer le fond des choses et remonter plus loin dans l’Histoire. Il faut tenir compte dans ses réflexions du profond déchirement que connut ce pays durant des siècles et se préoccuper de savoir de quoi pourrait réellement être fait ce caractère allemand. Et quand on veut bien se livrer à cet effort, on comprend vite que ce qui a changé, ce sont moins les caractéristiques foncières des Allemands que le contexte géopolitique de ces dernières décennies. Car pour la première fois depuis des siècles, celui-ci a offert aux Allemands une nouvelle stabilité, leur permettant de trouver le répit nécessaire pour se mettre en accord avec eux-mêmes.