27 juin 2023
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Lisa Haristoy, « « Vivre avec le trouble » du changement climatique : écoféminismes posthumains dans Le Roman de Jeanne de Lidia Yuknavitch (2017) et The Tiger Flu de Larissa Lai (2018) », ReS Futurae, ID : 10.4000/resf.11769
Cet article propose d’identifier ce que la fiction écoféministe contemporaine peut apporter à la cli-fi. Les romans The Book of Joan de l’étasunienne Lidia Yuknavitch (2017) et The Tiger Flu (2018) de la canadienne Larissa Lai invitent à penser l’influence humaine délétère sur le climat dans des univers post-apocalyptiques où les ressources naturelles, notamment les hydrocarbures, sont épuisées. D’abord, l’examen des cadres spatio-temporels des romans permet de montrer l’imbrication de l’exploitation de la nature féminisée et celle des « autres sexisés, racialisés et naturalisés » (Braidotti, 2013, p. 15). Nous observons ensuite la dénonciation d’un bio-pouvoir exercé non seulement sur les altérités humaines marginalisées mais aussi sur le vivant en général. Les grands dualismes hiérarchiques de la modernité, notamment la dichotomie nature/culture, sont toujours structurants dans ces sociétés dystopiques. Pourtant, ces romans ont aussi une force de proposition qui est rendue plus intelligible grâce aux outils du féminisme cyborg de D. Haraway. Elles prennent corps dans des figures de posthumaines cyborg qui accueillent leur hybridation avec les technologies et la vie non-humaine, ce qui invite à un décentrement de l’être humain individuel. Par ailleurs, ces romans s’attaquent à la relation conflictuelle entre (éco)féminisme et technologies en présentant les (nano- et bio-)technologies comme des outils patriarcaux appropriables par les sujets féministes. Nous en concluons que le potentiel critique de l’écoféminisme s’accomplit mieux lorsqu’il est combiné avec d’autres approches critiques comme le féminisme postmoderne, cyborg et posthumain. Ces champs théoriques ont de grandes affinités avec la cli-fi. Enfin, nous affirmons que là où The Book of Joan est tributaire du tournant linguistique postmoderne, The Tiger Flu s’aligne davantage avec une vision néo-matérialiste du féminisme posthumain.