9 juillet 2019
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Antoine Guérin, « Déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 : la CJUE ou les singes de la sagesse », La Revue des droits de l’homme, ID : 10.4000/revdh.6965
L’Union européenne et la Turquie sont convenues, le 18 mars 2016, de plusieurs mesures visant à « mettre fin à la migration irrégulière » de la seconde vers la première, au travers d’une « déclaration » matérialisée par un communiqué de presse diffusé sur le site Internet du Conseil européen. Saisie des requêtes de trois demandeurs d’asile craignant d’être renvoyés en Turquie sur le fondement de cette « déclaration », la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à se prononcer sur l’ambiguïté de cet accord, considéré par les demandeurs comme un acte international conclu par le Conseil européen agissant au nom de l’Union. Sa conclusion n’aurait pas, selon eux, respecté les règles imposées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en matière d’accords internationaux. Au surplus, ses dispositions seraient contraires au droit européen de l’asile et aux droits fondamentaux. Au terme d’un raisonnement sinueux, le Tribunal a rejeté ces requêtes. Considérant que la Déclaration n’était pas un acte du Conseil européen, en dépit de très nombreux indices prouvant l’inverse, il s’est déclaré incompétent pour juger de sa légalité. La Cour de justice, ayant eu à connaître des recours des demandeurs contre la décision du Tribunal, s’est servi du formalisme juridique comme d’un expédient : sans questionner le fond des recours, elle les a rejetés au prétexte de manquements aux exigences formelles. Les décisions des deux juridictions, distinctes quant à leurs moyens, sont identiques quant à leur finalité : éviter le contrôle juridictionnel de la Déclaration et ainsi valider le recours, passé et futur, à la méthode intergouvernementale en matière d’asile en temps de crise, même s’il implique le contournement du droit de l’Union européenne, le détournement des institutions européennes et la marginalisation du contrôle démocratique et juridictionnel.