1 avril 2019
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Roland Recht, « Dire la souffrance des images », Revue des sciences sociales, ID : 10.4000/revss.2907
En examinant les différentes périodes de l’histoire de l’art à l’aulne de la représentation de la douleur et de la souffrance, on constate que l’iconographie chrétienne a fait un usage abondant de scènes de martyres, le thème culminant étant celui de la Passion du Christ. Cependant, il est remarquable que les bourreaux et les traitements qu’ils font subir aux saints et aux saintes, que caractérise une intense cruauté, n’altèrent pas l’expression des visages des victimes, l’expression visible de la souffrance étant incompatible avec la protection divine dont ils bénéficient. Le véritable débat sur l’expression de la souffrance est celui que suscite la découverte à l’entrée du xvie siècle du groupe antique sculpté du Laocoon, ce prêtre troyen qui, avec ses fils, est assailli par des serpents. Winckelmann, Lessing et Goethe ont cherché à interpréter le moment précis de l’action et l’expression du visage de Laocoon, eu égard à l’idéal du classicisme grec. Lorsque l’historien de l’art Aby Warburg s’empare à son tour de cette œuvre, c’est pour étendre la question de l’interprétation du pathos à d’autres époques, en particulier à la Renaissance florentine. Cette fois, il s’agit de répondre à l’aide d’un corpus d’images (l’Atlas Mnémosyne) à une conviction qui est celle de Warburg et qui oriente toute son œuvre : la souffrance est le patrimoine commun à l’humanité entière.