22 janvier 2020
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Armand Strubel, « Corps martyrisés, corps sanglants, corps dépecés : le Perlesvaus, ancêtre du gore ? », Revue des langues romanes, ID : 10.4000/rlr.2107
Le roman communément appelé Perlesvaus, qui se désigne lui-même comme Haut Livre du Graal, déconcerte par une accumulation spectaculaire d’actes de barbarie et le goût du détail horrible. Par la théâtralisation d’une violence outrancière (innombrables têtes coupées, cadavres mutilés, cuve de sang où l’on noie des chevaliers…), ce conte cruel pose la question d’un imaginaire proche du gore moderne. Mais les débordements d’hémoglobine, en dehors de rares moments de fascination esthétique pour des jeux de couleur, ressortissent à une dialectique entre la matière – une imagerie archaïque, violente voire sadique – et la senefiance. Une rhétorique de l’enargeia qui repose sur l’exhibition sanglante, vise à susciter la pitié, comme le montre l’apparition récurrente du sang du Christ. Dès lors, la vision du sang est à la fois signe du sacré et voie de la catharsis. La violence sanglante de l’Ancienne Loi est sublimée par la compassion, et l’aventure chevaleresque prend une forme sacrificielle.