3 septembre 2018
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/0038-0296
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/1777-5701
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ , info:eu-repo/semantics/openAccess
Corentin Durand, « Un bureau derrière les barreaux. Travail relationnel et pouvoir discrétionnaire dans les audiences pénitentiaires », Sociologie du travail, ID : 10.4000/sdt.2599
La sociologie carcérale a documenté la place centrale des négociations informelles et interpersonnelles entre prisonniers et surveillants pénitentiaires, dans une institution de contrainte largement bureaucratisée. Cet article entend enrichir la compréhension de la place de la communication en prison en rendant compte des échanges entre prisonniers et une catégorie peu étudiée des professionnels, l’encadrement pénitentiaire de proximité. Contrairement aux agents de première ligne, ces « gradés » pénitentiaires détiennent un pouvoir largement discrétionnaire sur les enjeux quotidiens de la vie en détention. En étudiant plus particulièrement les « audiences », entretiens interpersonnels en face à face, l’analyse souligne le travail relationnel réciproque qui s’y déploie. Au-delà de simples transactions ponctuelles, l’audience autorise l’instauration d’une coopération fragile et asymétrique entre acteurs a priori antagonistes. Elle stabilise ainsi des attentes relationnelles qui contribuent à redéfinir la nature de la contrainte institutionnelle et des répertoires d’action des acteurs de la détention. Par l’investissement relationnel du pouvoir discrétionnaire à l’audience, le pouvoir carcéral s’hybride, articulant dépendance personnelle et normes bureaucratiques, obligations morales et formalisme légal. L’étude des audiences pénitentiaires invite ainsi à penser la place et les modalités d’un réinvestissement institutionnel du travail relationnel par les agents intermédiaires, souvent réduits à leur rôle dans la traduction entre la conception et l’application de réformes institutionnelles.