Marins-pêcheurs : des masculinités à coudre bord à bord

Résumé Fr En

L’article analyse les permanences et changements des masculinités sur le pont des navires de pêche bretons. Au moyen d’exemples tirés d’une ethnographie de thèse de plus de quatre ans, il s’agit d’isoler deux particularités masculines d’un métier qui résiste encore à la féminisation : d’abord, la reconnaissance partagée d’un savoir-faire qui doit être un « savoir-tout-faire », incluant des activités, gestes et tâches que l’hétéronormativité réserve, à terre, aux femmes ; en second lieu, une virilité défensive basée sur le prestige de la performance et sur la maîtrise d’un corps menacé par l’hostilité du milieu naturel et professionnel dans lequel il évolue. L’article présente enfin les transformations dans l’appropriation générationnelle de ces caractères, et les aborde dans la perspective de l’isolement des corps des marins, que le travail tient à distance de ceux des femmes.

The article aims to deconstruct the way in which fishermen envisage masculinity. Taking the results of a four-year ethnographic study, we can identify two singular aspects of masculinity within this profession, one that is still uncommon for women today: firstly, the skills, activities, gestures and tasks that are usually defined by heteronormative standards as feminine and associated with the domestic sphere, are often described by fishermen as “general know-hows” that they master, rather than “chores” they have to do. Secondly, a defensive virility based on a prestige of performance and the mastery of a body endangered by the hostility of the natural and professional environment in which he works. Finally, the article deals with the way fishermen’s perceptions of these characteristics change over generations, focusing on their isolation and on their separation from women and female bodies.