1 juillet 2022
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Christine Roger, « Femmes et jeunes filles de Shakespeare (1838) de Heinrich Heine : keepsake bourgeois et ‘carquois d’or’ », Actes des congrès de la Société française Shakespeare, ID : 10.4000/shakespeare.6824
En 1836 fut publié à Londres sous la direction de Charles Heath un keepsake de quarante-cinq gravures sur acier destiné à un public international de lectrices et de lecteurs : The Shakspeare Gallery: Containing the Principal Female Characters in the Plays of the Great Poet. Des licences d’éditeur furent accordées à Appleton & Co. (New York, Philadelphie), Asher (Berlin) et Delloye (Paris). L’éditeur parisien Henri-Louis Delloye fit paraître simultanément trois éditions différentes de cette Galerie, deux destinées au marché français, et une au marché allemand. L’édition allemande (1838), intitulée Shakspeares Mädchen und Frauen (Femmes et jeunes filles de Shakespeare), fut confiée au poète Heinrich Heine. Heine qualifiera sa contribution à l’exégèse shakespearienne de « médiocre ». Cette auto-critique permet d’expliquer en partie l’indifférence de la recherche heinéenne et shakespearienne à l’égard de l’album. En usant du collage et du montage, Heine se joue pourtant des écoles de pensée (anglaise, allemande et française) sur Shakespeare et détourne la fonction principale du luxueux livre-objet, celle de témoigner de la distinction et du bon goût de son acquéreur. Heine se sert ainsi des portraits de personnages féminins pour mettre à nu les déchirures de la société moderne, exprimer l’espoir d’une émancipation à la fois sociale et religieuse, et lancer, depuis sa position excentrée d’exilé à Paris, un plaidoyer au nom des « affinités électives » qui unissent, affirme-t-il, Juifs et Allemands.