22 septembre 2016
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Laetitia Pasquet, « Dynamitage cocasse de l’anthropomorphisme dans quelques satires contemporaines », Sillages critiques, ID : 10.4000/sillagescritiques.4479
La tradition satirique a donné aux animaux le statut de comparants permettant d’établir un système de correspondance entre les travers humains et les mœurs (supposées) des bêtes. Sur la scène contemporaine cet anthropomorphisme semble s’inverser et se radicaliser pour dire l’abjection morale de l’homme, faisant ainsi imploser un système de correspondances stable, signifiant et clos sur lui-même : de tous les animaux, l’homme apparaît désormais comme le moins humain. Cette inflexion ouvre la voie à une représentation (verbale et scénique) de l’animal en liberté, affranchi des contraintes allégoriques de la clarté signifiante. La vision satirique laisse ainsi place à une cocasserie étrange et inquiétante, abandonnant toute prétention de permettre l’accès au sens et de faire sourire de manière rassurante un spectateur déchu de son statut de sommet de la Création. C’est de ce basculement dans la représentation satirique des animaux, de ses soubassements éthiques et esthétiques qu’il sera question dans cet article s’appuyant sur l’analyse de quelques pièces et performances contemporaines : Decadence de Steven Berkoff (1981), Cat and Mouse (Sheep) de Gregory Motton (1995), Far Away de Caryl Churchill (2001), et Flesh and Blood & Fish and Fowl de Geoff Sobelle et Charlotte Ford (2008). Le bestiaire présent dans ces œuvres, sous-tendu par une mise en faillite de l’opération métaphorique, peut s’éclairer par le concept derridien de « carnophallogocentrisme » qui permet de penser dans un même mouvement la déconstruction de la suprématie de la parole rationnelle et l’objectivation du corps animal qui fondent la tradition humaniste occidentale. En faisant vaciller l’anthropomorphisme, ce sont donc les fondements mêmes de la définition de l’humain que questionne la satire contemporaine.