2 juillet 2013
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Nathalie Gibert-Joly, « Jean Bruller, dessinateur et illustrateur de la littérature coloniale pour la jeunesse de l’entre-deux-guerres : de Loulou chez les nègres (1929) à Baba Diène et Morceau-de-Sucre (1937) », Strenae, ID : 10.4000/strenae.493
Cet article vise à mettre en exergue l’évolution des prises de position contre le colonialisme du dessinateur Jean Bruller, futur écrivain Vercors (1902-1991), dans l’entre-deux-guerres. L’Appel des 121 que Vercors signa sans hésiter en 1960 pour clamer publiquement le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, son combat dès 1955 en faveur de l’indépendance de ce pays pourraient nous conduire à une interprétation rétrospective erronée, celle d’un homme et d’un mythe de la résistance anticolonialiste dès le début de l’entrée dans l’âge adulte et dans son parcours artistique vecteur de cette pensée. Les illustrations qu’il fournit pour la littérature de jeunesse de l’entre-deux-guerres, mais aussi l’une de ses créations personnelles prouvent au contraire que le dessinateur bascula d’une acceptation inconsciente à une interrogation critique du colonialisme du début des années vingt à la fin des années trente. De l’empan de Loulou chez les nègres à Baba Diène et Morceau-de-Sucre, nous distinguerons trois moments marqués par la publication d’ouvrages-clés pour comprendre la prise de conscience graduelle de Jean Bruller, visible dans ses choix collaboratifs comme dans les rapports entre le texte et ses dessins. Il est nécessaire de le situer dans un temps autant personnel qu’historique : celui d’un jeune homme dans un milieu éducatif et social donné, mais suffisamment attentif au monde pour avoir les moyens de s’en émanciper ; celui de l’artiste dans ses réalités symboliques et économiques, influencé par des réseaux de sociabilité correspondant à certains de ses idéaux ; celui d’artistes et d’écrivains qui s’interrogent, d’intellectuels qui prennent des positions de plus en plus tranchées au cours de ces années-là.