Aux sources démocratiques du malaise dans la temporalité

Résumé Fr En Es

Dans une bibliographie aujourd’hui très imposante, une bonne part des analyses du malaise dans la temporalité s’attache à l’exploration des effets du capitalisme et de la société industrielle. L’expérience des individus est alors décrite sous l’angle de l’aliénation et de la dépossession. Aussi éclairante et féconde que soit cette piste, elle laisse de côté l’analyse des logiques de dé-temporalisation surgies de l’intérieur même de l’univers démocratique, ce dont certains classiques (notamment Tocqueville) avaient eu l’intuition. Cet article s’attache à réinsérer l’intelligibilité de la crise de la temporalité, telle que les sciences humaines et sociales l’ont saisie principalement dans les années 1970-1980 dans le cadre d’une théorie de la démocratie, principalement empruntée ici à l’histoire philosophique qu’en propose Marcel Gauchet. La perspective introduite ici permet de penser la concomitance très paradoxale dans les années 1970-1980 d’un sentiment de dépossession de la temporalité au moment même du triomphe du principe démocratique dans les sociétés occidentales.

In a very extensive bibliography today, much of the analysis of the malaise in temporality focuses on the exploration of the effects of capitalism and industrial society. The experience of individuals is then described from the standpoint of alienation and dispossession. However enlightening and fruitful this approach may be, it leaves aside the analysis of the logic of detemporalization that emerged from within the democratic universe itself, which some classics (notably Tocqueville) had intuited. This article aims to reintegrate the intelligibility of the crisis of temporality, as it was understood by the human and social sciences mainly in the 1970s and 1980s within the framework of a theory of democracy, mainly borrowed here from the philosophical history proposed by Marcel Gauchet. The perspective introduced here makes it possible to think of the very paradoxical concomitance in the 1970s and 1980s of a feeling of dispossession of temporality at the very moment of the triumph of the democratic principle in Western societies.

En el marco de una bibliografía que se ha vuelto imponente, gran parte del análisis de la inquietud en la temporalidad explora los efectos del capitalismo y la sociedad industrial. La experiencia de los individuos es descrita en términos de alienación y desposesión. Por más esclarecedora y fructífera que sea, esta pista deja de lado el análisis de las lógicas de des-temporalización que surgen en el seno mismo del universo democrático, lógicas que algunos autores clásicos (especialmente Tocqueville) habían intuido. Este artículo intenta reinsertar la inteligibilidad de la crisis de la temporalidad, como lo han captado las ciencias humanas y sociales principalmente en los años 1970-1980 en el marco de una teoría de la democracia, que retomamos aquí principalmente a partir de la historia filosófica propuesta por Marcel Gauchet. La perspectiva presentada nos permite pensar en la muy paradójica concomitancia en los años setenta y ochenta de un sentimiento de desposesión de la temporalidad al mismo tiempo que triunfaba el principio democrático en las sociedades occidentales.