Le travail détaché entre mise au travail intensive et nouvelles formes de la mobilité internationale

Résumé Fr En Es

Le détachement, avec ses quelque 2,8 millions de salariés déclarés détachés en Europe en 2018, apparaît aujourd’hui comme une modalité centrale de l’organisation de la mobilité transnationale du travail. Celle-ci se fait notamment au travers de la structuration d’un vaste marché de l’intermédiation qui permet aux donneurs d’ordre des pays utilisateurs d’externaliser un certain nombre de risques, tout en assurant une mise au travail intensive des travailleurs détachés et un contrôle étroit de leur mobilité. Le présent article se propose d’analyser les « régimes de temporalités » spécifiques que produit cette forme d’emploi. D’un côté, le détachement, de par le caractère totalisant du travail et l’étroitesse du hors travail dans le temps de la mission, semble construire les conditions d’une hégémonie des temporalités productives sur le travail. De l’autre, les temporalités biographiques révèlent de multiples manières de s’accommoder de cette intensité du travail, de son caractère pendulaire et d’une vie « à distance ». In fine, le détachement semble produire des subjectivités particulières qui rappellent les traits caractéristiques de l’expérience migratoire.

With 2.8 millions of posted workers in Europe in 2018, this form of employment appears to be a central modality for organizing international labor mobility. It implies the structuration of a wide intermediation market which enable contractors to externalize a range of risks, while insuring high intensity work conditions and a tight control on mobilities. The present article aims to analyze the specific “temporality regimes” that the posting workers produces. On one hand, because of the totalizing character of the work and the reduction of non-working hours, it allows the hegemony of productive temporalities over labor. On the other hand, biographical temporalities reveal multiple ways of accommodating the intensity of the work, its pendular aspect and life “at a distance”. In fine, posted work seems to produce specific subjectivities that remind the key features of migration experience

El desplazamiento pasó a ser una modalidad central en la organización de la movilidad laboral transnacional: en Europa, unos 2,8 millones de empleados desplazados fueron declarados en el 2018. La estructuración de un vasto mercado de intermediación les permite a los comitentes de los países utilizadores externalizar un cierto número de riesgos, garantizando al mismo tiempo el empleo intensivo de los trabajadores desplazados y un estrecho control de su movilidad. Este artículo tiene como objetivo analizar los "regímenes de temporalidad" específicos que produce esta forma de empleo. Por un lado, el trabajo desplazado, por su carácter totalizador y la estrechez del no-trabajo durante el tiempo de la misión, parece construir las condiciones para una hegemonía de las temporalidades productivas sobre el trabajo. Por otro lado, las temporalidades biográficas revelan múltiples formas de afrontar esta intensidad laboral, su carácter pendular y una vida "a distancia". En definitiva, el desplazamiento parece producir subjetividades particulares que recuerdan los rasgos característicos de la experiencia migratoria.