Ce que disent les « vies nues »

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13 novembre 2023

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Hervé Nicolle, « Ce que disent les « vies nues » », Terrains/Théories, ID : 10.4000/teth.5256


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Dans l’univers de la gestion des migrations, le label est un instrument indispensable pour compter, filtrer, identifier, classer, contrôler les individus dans leur trajectoire de mobilité. Pour Giorgio Agamben, les vies des réfugiés, des déplacés, des déboutés du droit d’asile perdus dans les limbes semi-permanents des centres de rétention de l’OIM ou des camps du UNHCR, apparaissent comme des « vies nues » – des vies dont la nature politique a été progressivement niée, rabotée, pour ne plus laisser affleurer que la nature biologique, sans existence juridique, sociale, économique, voire politique. Pour séduisante qu’elle soit, cette perspective semble non seulement ignorer l’expérience des vies migrantes, mais aussi leur capacité à faire œuvre. Ces vies sont en effet pénétrées de luttes d’émancipation pour la liberté de circulation, pour l’accès à un travail décent, pour le droit à être l’agent de son propre bien-être, pour porter les luttes des aînés, pour incarner la mémoire de langues et cultures minoritaires. Fondé sur un travail de recherche qualitative de terrain effectué depuis 2015 dans des camps officiels ou habitats informels de migrants en Éthiopie, en Somalie et au Kenya, ce papier met en lumière ce double processus d’assujettissement et de subjectivation qui me semble être au cœur de la question de la mobilité aujourd’hui. De quoi le mythe de l’homo sacer, qui constitue la matrice intellectuelle implicite de la plupart des organisations internationales d’assistance, est-il le symptôme ? À considérer abstraitement les vies migrantes comme des « vies nues », des atomes sans qualités, ne fait-on pas au fond le jeu d’une rationalité politique néolibérale socialement isolante et politiquement déstructurante ?

In the world of migration management, the label is an indispensable instrument for counting, filtering, identifying, classifying and controlling individuals in their mobility trajectory. For Giorgio Agamben, the lives of refugees, displaced persons and rejected asylum seekers lost in the semi-permanent limbo of IOM detention centres or UNHCR camps appear as 'bare lives' – lives whose political nature has been progressively denied and erased, leaving only their biological nature to emerge, without legal, social, economic or even political existence. However attractive this perspective may be, it seems to ignore not only the experience of migrant lives but also their capacity to make a difference. These lives are indeed permeated by emancipatory struggles for freedom of movement, for access to decent work, for the right to be the agent of one's own well-being, to carry the struggles of elders, to embody the memory of minority languages and cultures. Based on qualitative fieldwork conducted since 2015 in official camps or informal settlements of migrants in Ethiopia, Somalia and Kenya, this paper highlights this dual process of subjugation and subjectivation that seems to me to be at the heart of the question of mobility today. What is the symptom of Agamben's myth, which constitutes the implicit intellectual matrix of most international aid organisations? By abstractly considering migrant lives as 'bare lives', atoms without qualities, are we not basically playing into the hands of neoliberal political rationality, socially isolating and politically destructuring?

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