Étudier la conversation pour mieux comprendre le langage

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27 janvier 2023

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Laurent Prévot et al., « Étudier la conversation pour mieux comprendre le langage », TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, ID : 10.4000/tipa.6079


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Ce chapitre aborde les manifestations linguistiques de la conversation. Longtemps, les linguistes ont traité séparément chacun des niveaux du langage oral (phonologie, lexique, syntaxe, discours), notamment à partir de corpus de parole préparée et non interactive. Les travaux sur la parole en conversation permettent de mettre en évidence ce que les théories linguistiques modernes cherchent à intégrer : l’interdépendance de ces dimensions. En outre, au-delà de la description de variantes, ces travaux nous permettent d’étudier de façon spécifique les processus de production et de compréhension du langage, y compris en les considérant de façon conjointe, en nous appuyant sur les théories les plus récentes de l’interaction.Nous proposons dans ce chapitre d’aborder tout d’abord les particularités du langage conversationnel ainsi que leur impact sur les unités et les phénomènes généralement étudiés par les linguistes : phonèmes, morphèmes, syntagmes, unités prosodiques, propositions, unités discursives. Ces particularités proviennent notamment de paramètres communs à la plupart des situations communicatives conversationnelles : une certaine pression temporelle, la co-présence des participants, le caractère fugace de ces productions conversationnelles dont la forme est oubliée dès que le message a été transmis. La pression temporelle donne des caractéristiques fortes au langage conversationnel liées à la gestion du temps (réductions lexicales, phonétiques, disfluences, etc.). La fugacité des productions autorise l’utilisation de stratégies particulières (répétitions, redondances, reformulations) qui sont généralement évitées dans les autres usages langagiers. La co-présence, enfin, permet l’utilisation de toutes les modalités impliquées dans une interaction, et sur lesquelles reposent les multiples mécanismes d’alignement entre participants. Il faut ajouter que l’étude de ces particularités est profondément impactée par les notions de contexte et de connaissance partagée qui fondent une interaction. L’ensemble de ces particularités dues au langage conversationnel entraîne des ajustements à tous les niveaux de la production, mais de façon spécifique pour chacun d’entre eux. Ces ajustements ne sont pas toujours décrits à chaque niveau, mais plus encore, ils sont rarement analysés de façon conjointe. Il nous semble ainsi important de mettre ici en perspective les différents types de modifications linguistiques liées à la conversation.De plus, comprendre ces questions générales nécessite la description précise des phénomènes propres à la conversation (cf. analyse conversationnelle et linguistique interactionnelle). Ces phénomènes incluent les tours de paroles, les signaux d’écoute et le feedback conversationnel, ou encore les énoncés co‑produits.Ces phénomènes particuliers à la conversation doivent être mis en perspective avec la question de l’interaction existant entre les unités. Nous savons par exemple que les réductions phonétiques affectent plus spécifiquement les séquences dont la charge sémantique et informationnelle est faible. Il est donc nécessaire de décrire les conditions dans lesquelles ces interactions sont possibles. En particulier, il est nécessaire de les expliquer en les mettant en perspective par rapport à la question de la compréhension.Les participants à une conversation cherchent à atteindre des buts externes à l’activité communicative, mais qui passent par la réalisation de leurs buts communicatifs. Pour atteindre ces buts, ils / elles doivent articuler des éléments informatifs grâce aux structures du langage étudiées traditionnellement et qui permettent de construire et d’articuler des représentations. La conversation est un lieu d’observation privilégié de ces phénomènes. Les interactions entre participants se construisent généralement sur la base d’un échange d’informations. Celui-ci n’est pas un mécanisme figé comme l’a longtemps expliqué la linguistique. Il peut reposer sur des traitements très superficiels pendant lesquels chaque participant produit et perçoit des bribes d’information. La façon dont celles-ci s’agrègent pendant une conversation ne repose sans doute pas toujours sur un processus compositionnel, mais consiste plutôt à permettre à tous les participants de construire un ensemble partagé de connaissances. Nous décrirons dans ce chapitre les indices observables de ce mécanisme, en abordant en particulier la question de l’alignement des unités linguistiques que nous observons au cours d’une conversation. Cette approche de l’interaction permet de fournir un cadre théorique pour l’explication des phénomènes conversationnels cités précédemment.Ce chapitre sera structuré de la façon suivante : 1/ la conversation sera discutée comme l’articulation entre représentation et communication par le langage en tant qu’action sociale ; 2/ une deuxième partie visera à dresser un inventaire des « traces » de l’activité de conversation (but communicatif, pression temporelle, co-présence, charge cognitive, pression sociale) sur les différentes unités linguistiques (phonèmes, lexique, syntaxe, prosodie) ; 3/ seront abordés ensuite les phénomènes propres à la conversation n’étant pas identifiables dans d’autres types de parole (tours de parole, disfluences, feedback conversationnel, énoncés co-produits, énoncés non-phrastiques, énoncés non-lexicaux, etc.) ; 4/ nous développerons pour finir quelques perspectives liées à l’ensemble de ces travaux.

This chapter deals with the linguistic manifestations of conversation. For a long time, linguists have been interested in the levels of oral language (phonology, lexicon, syntax, discourse) separately, particularly based on prepared and non-interactive speech corpora. Research on conversational speech highlights what modern linguistic theories seek to integrate: the interdependence of these dimensions. Moreover, beyond the description of variants, this work allows us to study in a specific way the processes of language production and comprehension, including by considering them jointly, by relying on the most recent theories of interaction.In this chapter, we propose to first discuss the particularities of conversational language and their impact on the units and phenomena generally studied by linguists: phonemes, morphemes, syntagms, prosodic units, propositions, discourse units. These particularities stem from common parameters to most conversational communication situations: temporal pressure, co-presence of participants, fleeting nature of these conversational productions whose form is forgotten as soon as the message has been transmitted. Temporal pressure provides strong characteristics to conversational language linked to time management (lexical and phonetic reductions, disfluencies, etc.). The transience of productions allows the use of particular strategies (repetitions, redundancies, reformulations) which are generally avoided in other language uses. Finally, co-presence allows the use of all the modalities involved in an interaction, and on which the multiple mechanisms of alignment between participants are based. Moreover, the study of these particularities is profoundly impacted by the notions of context and shared knowledge that underlie an interaction. All these particularities due to conversational language suggest adjustments at all levels of production, but in a specific way for each of them. These adjustments are not always described at each level, but even more so, they are rarely analysed together. An important point is to put into perspective the different types of linguistic modifications linked to conversation.Moreover, understanding these general issues requires a precise description of conversation phenomena (cf. conversational analysis and interactional linguistics). These phenomena include turns of speech, listening signals and conversational feedback, or co-produced utterances.These specific phenomena of conversation must be put into perspective with the question of the interaction existing between units. We know, for example, that phonetic reductions more specifically affect sequences with a low semantic and informational load. It is therefore necessary to describe the conditions under which these interactions are possible. In particular, it is necessary to explain them by putting them in perspective with the question of comprehension.The participants in a conversation seek to achieve goals that are external to the communicative activity, but which involve the achievement of these participants’ communicative goals. In order to achieve these goals, the participants must articulate informative elements through the traditionally studied structures of language which allow the construction and articulation of representations. Conversation is a privileged place to observe these phenomena. Interactions between participants are generally built on an exchange of information. This is not a fixed mechanism as linguistics has long explained. It can be based on very superficial processing during which each participant produces and perceives bits of information. The way in which these are aggregated during a conversation is probably not always based on a compositional process, but rather consists in allowing all participants to construct a shared body of knowledge. In this chapter, we will describe the observable evidence of this mechanism, addressing in particular the question of the alignment of linguistic units that we observe during a conversation. This approach to interaction provides a theoretical framework for explaining the conversational phenomena mentioned above.This chapter will be structured as follows: 1/ conversation will be discussed as the articulation between representation and communication through language as a social action; 2/ a second part will aim at drawing up an inventory of the “traces” of the activity of conversation (communicative goal, temporal pressure, co-presence, cognitive load, social pressure) on the different linguistic units (phonemes, lexicon, syntax, prosody); 3/ we will then address the phenomena specific to conversation which are not identifiable in other types of speech (speech turns, disfluencies, conversational feedback, co-produced utterances, non-phrastic utterances, non-lexical utterances, etc.)); 4/ we will finally develop some perspectives related to all these works.

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