Ellipse ou illocutoire ? Quelques aspects gestuels et prosodiques dans le discours en L2

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20 décembre 2013

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Tsuyoshi Kida et al., « Ellipse ou illocutoire ? Quelques aspects gestuels et prosodiques dans le discours en L2 », TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage, ID : 10.4000/tipa.741


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Ce travail sur la compréhension orale en langue seconde (L2) dans une interaction exolingue s’appuie sur le « totexte » ou énoncé total, défini par Cosnier (2012 : 104) comme l’ensemble formé du texte (verbal) et du cotexte. En effet, dans une interaction en face à face, la structure du discours oral est jalonnée par un certain nombre d’indices gestuels et prosodiques aussi bien en situation de communication endolingue qu’exolingue (Kida, à paraître ; Kida & Faraco, 2009). Or, la mise en emphase (accent gestuel) obéit à des contraintes propres à chaque langue (voir, entre autres, les travaux de Müller, 1994, Kita, 1993, Stam, 2006), ce qui conduit les locuteurs à utiliser une sorte de syntaxe gestuelle régie par leur langue dominante. C’est ainsi que ce type d’« accent gestuel » (Creider, 1978, 1986 ; Kida & Faraco, 2009) ou « manual accent » (Kellerman & van Hoof, 2003) est souvent transféré d’une langue à l’autre, lors de l’apprentissage d’une langue seconde (Stam, 1998 ; van Hoof & Kellerman 2001 ; Yoshioka & Kellerman, 2006). À partir de ces constats, a été conduite une étude sur les gestes produits par des apprenants en langue seconde (désormais L2) puisque le transfert du comportement d’accent manuel de la langue maternelle à la L2 prouve l’existence d’une grammaticalité de la modalité gestuelle dans le discours. Nous avons d’ores et déjà travaillé (Kida et Faraco, à paraître) sur l’appropriation de la mise en gestes de japonophones apprenant le français comme L2, donc pour deux langues ayant une ‘grammaticalité’ gestuelle comparable, tout au moins pour ce qui est de l’accent manuel. En effet, japonais et français sont tous deux classés dans le groupe des langues à cadrage verbal et non dans celui des langues à cadrage satellite (Talmy, 1991 et 2000, entre autres).Cette contribution veut préciser les observations précédentes portant sur l’appropriation de l’oral, du prosodique et du gestuel d’une langue cible (le français) par des locuteurs non natifs (LNNs), Après quelques remarques générales sur la façon dont se comportent les modalités gestuelle et vocale en cas d’absence du verbal dans le discours explicatif d’un locuteur natif (LN), tentant de se faire comprendre de son partenaire non natif, nous verrons comment la focalisation non verbale fonctionne au plan pragmatique en cas d’ellipse verbale chez le LNN. Le corpus de référence (Kida, 2005) propose des séquences vidéo de locuteurs natifs (LNs) et non natifs s’expliquant mutuellement des recettes de cuisine de leur propre pays. Deux conditions d’enregistrement ont été mises en place : l’une où les interlocuteurs se voient et l’autre où les interlocuteurs ne se voient pas, car séparés par un écran opaque. Les LNNs sont pour la plupart des japonophones (de niveau linguistique variable) mais également des locuteurs d’autres langues maternelles (danois, espagnol, anglais). Les enregistrements ont eu lieu dans une chambre anechoïque de l’université, les participants ont interagi en dyade, sur le schéma LN-LNN ou LNN-LNN , et nous nous intéresserons ici, plus particulièrement, aux échanges contenant des exemples d’ellipse syntaxique (fait caractéristique de l’oral) : alors qu’il manque d’information verbale, la question qui se pose est de savoir s’il y a continuité prosodique et quel rôle y joue l’activité gestuelle. Après avoir défini l’ellipse comme un « raccourci explicatif », les auteurs soulignent l’ambiguïté de ce procédé car il peut tout aussi bien faciliter l’intercompréhension que la brouiller. Toujours est-il que le nombre des ellipses du LN augmente quand les partenaires non natifs sont de niveaux linguistiques moins avancés, mais que la condition de visibilité/non-visibilité n’offre pas de grand contraste ; en interaction avec un LNN de niveau avancé, par contre, l’ellipse du LN augmente en situation d’écran par rapport à la situation de face à face. Globalement, l’ellipse peut être une stratégie d’interaction du LN pour que le discours soit plus aisé et rapide à suivre par son partenaire en interaction exolingue. Soulignons toutefois que l’utilisation de l’ellipse est non seulement liée au niveau de compétence en L2 de l’interlocuteur non natif, mais aussi à la disponibilité de l’information visuelle qui accompagne le discours.Lors de ces observations dans ce contexte elliptique, nous avons vu que la compréhension discursive repose surtout sur des gestes tels qu’idéographiques ou déictiques. Pour ces gestes, le comportement gestuel des LNNs non japonophones se rapproche de celui du LN. Reste à savoir si cela est fonction de la proximité géographique de la langue-culture d’appartenance ou de la proximité fonctionnelle de celle-ci.Certes, nous l’avons dit, l’ellipse peut être une procédure d’évitement, un principe de précaution lorsqu’un natif interagit avec un non-natif, mais elle peut aussi correspondre, comme en témoignent certains échanges dans le corpus de référence, à un marquage pragmatique de l’interaction, en l’absence de verbal : glose méta-énonciative, identification des centres énonciatifs (constatif vs performatif)… Pour préciser, l’absence de verbal ou la partie ellipsée peut être volontaire et donc stratégique, c’est alors le non verbal qui endosse ce qui n’est pas énoncé dans le discours en L2.

This work focusing on listening comprehension in second language (L2) in an exolingual interaction is based on the “totext” – or total utterance – defined by Cosnier (2012: 104) as a combination of the text (verbal) and cotext. In face-to-face interaction the speech structure is indeed marked out with several gestural and prosodic cues in both endolingual and exolingual communication (Kida, to be published; Kida & Faraco, 2009). Yet, the emphasis (gestural accent) follows constraints specific to each language (see, among others, Müller, 1994; Kita, 1993; Stam, 2006) which forces the speakers to use a sort of gestural syntax governed by their dominant language. This is how this type of “accent gestuel” (Creider, 1978, 1986; Kida & Faraco, 2009) or “manual accent” (Kellerman & van Hoof, 2003) is often transferred from one language to the other during second-language acquisition (Stam, 1998; van Hoof & Kellerman, 2001; Yoshioka & Kellerman, 2006). Based on these observations, a study on second language learners’ gestures has been conducted since the transfer of manual accent behavior from the mother tongue to the L2 proves the existence of a grammaticality of gestural modality in speech. Work has already been done (Kida & Faraco, to be published) on the appropriation of gestures by Japanese speakers learning French as a second language –that is to say for two languages that have a similar gestural “grammaticality”, at least in regards to manual accent. Japanese and French are indeed classified in the group of verb-framed languages and not in the satellite-framed one (Talmy, 1991 and 2000, among others).This paper intends to specify the observations previously made on oral, prosodic and gestural appropriation of a target language (French) by non-native speakers (NNS). After some general comments on the way the gestural and vocal modalities behave when the verbal is absent from the explanatory discourse of a native speaker trying to be understood by his non-native partner, we will study how the non-verbal focusing works on the pragmatic level when verbal ellipsis is used by the NNS.The reference corpus (Kida, 2005) proposes video footage of native and non-native speakers mutually explaining recipes from their own country. Two recording conditions were put in place: one where the interlocutors see each other and one where they do not because they are separated by an opaque screen. The NNS are for the most part Japanese speakers (of various linguistic levels) but are also speakers of other native languages (Danish, Spanish, English). Recordings took place at the university in an anechoic chamber, participants interacted in dyad, following the NS-NNS or NNS-NNS pattern and this work will focus more precisely on exchange including example of syntactic ellipsis (a distinctive feature of oral communication): when verbal information is missing, the point is to know whether there is a prosodic continuity and what part the gestural activity plays in it.After having defined the ellipsis as an “explanatory shortcut”, the authors underline the ambiguity of this process because it can make the intercomprehension easier as well as it can blur it. Nonetheless, the number of ellipsis made by the NS increases when the non-native speakers are linguistically less advanced but when the visibility/non visibility feature does not show much difference; however, when interacting with an advanced NNS, the NS’s ellipsis increase when the screen is on compared to the face-to-face interaction. Overall, in an exolingual interaction ellipsis can be a strategy of interaction used by the NS to make the speech easier and faster to follow for his partner. However, it should be added that the use of ellipsis is not only linked to the non-native speaker’s L2 level of proficiency but also to the availability of the visual information that comes with speech.During these observations made in this elliptical context we saw that the discursive comprehension mostly rests upon gestures – ideographic or deictic. For these gestures, the non Japanese-speaking NNS’s gestural behavior gets close to the NS’s one. It remains to be seen whether this is due to the geographic proximity of the language-culture they belong to or to its functional proximity.As we have said before, when a native interacts with a non-native ellipsis can be an avoidance procedure, a precautionary principle, but when the verbal is missing it can also act –as some of the exchange in the reference corpus reveal– as a pragmatic marking of the interaction: meta-enunciative gloss, identification of the enunciative centers (constative vs performative)… To clarify, the absence of the verbal or the ellipsised part can be intentional and thus strategic; it is then the non-verbal that assumes what is not stated by speech in L2.

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