Recycler une étiquette générique, du narratif au dramatique: le cas du théâtre épique chez Bertolt Brecht

Résumé Fr En

Cet article vise à proposer une théorie du recyclage lexical qui puisse donner un cadre de départ au séminaire « Recycler les mots ».En prenant le cas du théâtre épique que Bertolt Brecht conceptualise dans ses Écrits sur le théâtre, il s’agira de déterminer quelles sont les caractéristiques énonciatives et discursives d’un discours que l’on dit « recyclant » dans la mesure où celui-ci réinvestit un lexique institué – dans le cas de Brecht,celui de la poétique aristotélicienne – à d’autres fins. Brecht renouvelle en effet la pensée dramatique en arrachant le mot « épique » à la tradition qui l’a pourtant vu naître: il s’agira de comprendre la façon dont cette reprise lexicale permet d’opérer une révolution théorique par laquelle on instaure une dramaturgie radicalement nouvelle, voulue à contre-courant de La Poétique.Un tel projet n’est cependant pas sans paradoxe dans la mesure où l’élaboration de cette nouvelle dramaturgie – précisément parce qu’elle se dit « épique » – implique tout autant la continuité avec Aristote, si ce n’est plus, que la rupture avec celui-ci.

The purpose of this paper is to elaborate a theory of word recycling in order to give a framework to the seminar “Word recycling”.Studying the case of the label “epic theater”, coined by Bertolt Brecht in his dramatic theory, the aim is to determine the main enunciative and discursive characteristics of a discourse that can be said to be “recycling” insofar as it makes use of an established lexicon – that of Aristotelian poetics – for other purposes. Brecht indeed renews the theory of drama by uprooting the word “epic” from the tradition that gave birth to it: the aim, therefore, is to understand the way in which this lexical recycling enables a theoretical revolution to take place, establishing a radically new dramaturgy, against the Poetic.Such a project is not without its paradoxes, however, insofar as the development of this new dramaturgy - precisely because it calls itself "epic" - implies continuity with Aristotle, if not more so, than a proper rupture with him.