25 juin 2014
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Jillian Rogers, « Mourning at the Piano: Marguerite Long, Maurice Ravel, and the Performance of Grief in Interwar France », Transposition, ID : 10.4000/transposition.739
Au début de la Grande Guerre, Maurice Ravel écrivit à Roland-Manuel qu'il commençait à composer Le Tombeau de Couperin. Dans cette même lettre, Ravel lui annonça que Joseph de Marliave, le mari de la pianiste Marguerite Long, avait été tué au champ d’honneur. Le fait que Ravel ait dédié la dernière partie du Tombeau de Couperin au mari de Long et qu'il ait voulu qu’elle donne la première audition de cette œuvre suggère que les nouvelles apportées par cette lettre sont plus liées entre elles qu’il n’y paraît de prime abord. Les musiciens contemporains de Ravel associaient le deuil et la musique, comme en témoigne le fait que Roger-Ducasse ait suggéré à Long en 1915 que jouer du piano pourrait lui donner le désir de continuer à vivre après la mort de son mari. Mais comment s’opère précisément cette fonction consolatrice du piano ? Cet article tente de répondre à cette question en démontrant qu’en composant Le Tombeau de Couperin dans le style du jeu perlé que son amie Marguerite Long préférait, Ravel lui a donné l’occasion de faire son deuil à travers un jeu pianistique répétitif, rythmique et exigeant sur le plan kinesthésique susceptible, pensait-on, d’engendrer une transformation émotionnelle. En examinant la correspondance, les journaux intimes, les archives et les écrits publiés de Ravel et d’autres musiciens au sein de leur cercle social, cet article fait la lumière sur la relation entre le deuil et les pratiques musicales en France au début du vingtième siècle et propose de repenser le Tombeau de Ravel comme une œuvre écrite non seulement pour des soldats morts au combat, mais aussi pour ceux qui leur survécurent.