3 juillet 2020
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Jacob Théo, « La « triple conservation » comme technologie de gouvernement », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, ID : 10.4000/vertigo.27591
Initialement conçues comme des outils d’interdiction, les aires protégées accompagnent aujourd’hui la décentralisation. Leurs nouvelles missions de démocratie locale et de développement économique participent d’une évolution globalisée de l’administration publique, depuis une logique de « souveraineté » vers un registre de « gouvernementalité ». L’étude de vastes aires protégées montre comment la conservation appuie le redéploiement étatique. En Guyane française et dans l’État brésilien de l’Amapá, elle succède aux stratégies régaliennes de maintien sur une Amazonie éloignée, alternant tutelle paternaliste et délégation aux élites locales. Sur ces territoires « anormaux », les institutions de conservation tentent de réconcilier différentes légitimités. Rassemblant communautés locales, responsables publics et acteurs économiques, leurs gestionnaires animent des espaces de gouvernance qui accompagnent l’autonomisation régionale. Ces arènes cherchent à contenir le développement des écarts sociaux et politiques en créant de nouvelles mobilités sur ces territoires. La protection de l’Environnement justifie un mode de gouvernement frugal, multipliant les contre-pouvoirs et l’enchâssement des surveillances entre acteurs d’un même espace. En incitant l’émergence d’une « société civile » dans des arrière-pays sous-administrés, elle crée de nouvelles concurrences et diffuse une rationalité managériale de responsabilisation.