2001
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Lien social et Politiques ; no. 46 (2001)
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Pierre Strobel, « Les chômeurs sont-ils responsables de leur sort ? », Lien social et Politiques, ID : 10.7202/000331ar
Alors que la mise en oeuvre du revenu minimum d'insertion s'était faite dans un certain consensus autour de la notion de « dette sociale » à l'égard des pauvres et des chômeurs de longue durée, la récente reprise économique a vu la parution de travaux d'analyse économique qui présentent le « non-emploi » comme un choix rationnel pour une majorité de bénéficiaires des minima sociaux. Autrement dit, après les États-Unis et la Grande-Bretagne, la France découvre la « trappe à chômage ». Cette critique déguisée des systèmes d'indemnisation du chômage, du revenu minimum et du salaire minimum repose sur la théorie des anticipations rationnelles, dont la formalisation mathématique permet d'isoler un facteur parmi d'autres (ici, par exemple, la question du rapport entre niveau de revenu et niveau d'activité). Or, l'analyse de populations bénéficiaires du revenu minimum d'insertion en France montre que le nombre de facteurs à prendre en considération est bien plus élevé que le seul niveau de revenu. Notamment, seul un petit noyau se trouve durablement hors de l'emploi et sans volonté d'en chercher, et l'accès à la prestation représente la plupart du temps une première étape vers la reprise d'activité. Il importe donc d'ouvrir le débat entre économistes et sociologues, et d'éviter de glisser trop rapidement de la catégorie d'analyse (l'anticipation rationnelle) à la catégorie morale (la responsabilité).